Mathilde Philip-Gay: "Si Donald Trump est condamné, il risque de finir sa vie en prison"
Après l'affaire Stormy Daniels, du nom d'une ancienne actrice pornographique avec laquelle il aurait eu une liaison avant de vouloir monnayer son silence, après l'affaire des documents confidentiels que l'ancien locataire de la Maison Blanche aurait conservés illégalement à son domicile avant de tenter d'enrayer les efforts du gouvernement pour les récupérer, Donald Trump a donc été inculpé une troisième fois, pour "complot contre l'Etat", l'accusation la plus grave à peser contre l'ex-président, pour avoir tenté d'inverser le résultat de la présidentielle de 2020.
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"C'est cette fois-ci une accusation extrêmement grave. Donald Trump est accusé de complot, de conspiration contre les Etats-Unis, contre une procédure officielle, contre un droit fondamental aux Etats-Unis qui est celui de voter, et puis contre le gouvernement des Etats-Unis. C'est moralement extrêmement grave, mais juridiquement aussi", analyse Mathilde Philip-Gay, codirectrice du centre de droit constitutionnel à l'Université Jean Moulin Lyon III.
Des peines qui se cumulent
Interviewée dans l'émission Tout un monde, cette spécialiste de la Cour suprême américaine estime que Donald Trump risque jusqu'à la prison à vie.
"Pour chaque crime, chaque délit, il risque entre 5 et 20 ans de détention et aux Etats-Unis, les peines se cumulent. S'il est condamné, il risque de finir sa vie en prison", développe-t-elle.
Les juges opteront plutôt pour un bracelet électronique
Un procès et un jugement pourraient par ailleurs intervenir avant même l'élection présidentielle de 2024. "Ici, il n'y a pas de documents secret, ce qui fait que le jugement peut intervenir beaucoup plus rapidement et c'est donc aussi en cela que c'est un événement majeur", ajoute Mathilde Philip-Gay.
Pour autant, l'experte imagine mal un placement en détention de Donald Trump au cours de la campagne. "Cette affaire pose la question de savoir si c'est aux électeurs ou à la justice de savoir s'il est innocent ou non (...) un certain nombre de commentateurs estiment que les électeurs doivent pouvoir décider, alors quand les juges auront à se prononcer sur la détention de Donald Trump, ils prendront sûrement en compte cet élément démocratique et opteront plutôt pour un bracelet électronique, même si rien n'est impossible", analyse-t-elle.
Un procureur au cuir épais
Mardi, le comité de campagne de Donald Trump a déjà fait une déclaration officielle, expliquant que cette nouvelle accusation rappelait les pratiques soviétiques ou encore celles de l'Allemagne nazie, en ajoutant que ce timing n'était par ailleurs pas le fruit du hasard.
Jack Smith est pour l'instant irréprochable et a à coeur de gérer de manière très rigoureuse cette affaire
Pour Mathilde Philip-Gay, Donald Trump a su démontrer par le passé qu'il était "le maître" dans le retournement de ce genre de situation. Il est donc logique d'après elle qu'il s'en serve politiquement. Mais cette fois-ci, il pourrait avoir fort à faire face à Jack Smith, le procureur spécial qui l'inculpe ici pour la seconde fois.
"Jack Smith est un personnage important et un procureur extrêmement sérieux. Formé à Harvard, nommé en novembre 2022 par le ministre de la Justice, il a déjà supervisé des enquêtes contre l'ex-président du Kosovo pour crimes de guerre. Il a aussi été chargé de l'unité qui enquête sur les affaires de corruption des dirigeants politiques américains. Il est pour l'instant irréprochable et a à coeur de gérer de manière très rigoureuse cette affaire", éclaire la spécialiste.
L'acte d'accusation, long de 45 pages, serait par ailleurs solide, estime Mathilde Philip-Gay. "Il cite quand même plusieurs conversations téléphoniques interceptées, des conversations privées, notamment entre Donald Trump et Mike Pence, dans lesquelles Trump reproche à son vice-président d'être trop honnête, de ne pas vouloir refuser l'élection (refuser de certifier l'élection de Joe Biden, ndlr)", conclut-elle.
Propos recueillis par Céline Tzaud
Adaptation web: Tristan Hertig
Une affaire qui fait la Une de la presse américaine
Sans surprise, l'inculpation de l'ancien président Donald Trump fait la Une de la presse américaine mercredi.
Pour le Washington Post, le procureur spécial Jack Smith défend l'Etat de droit en lançant cette procédure. Le New York Times parle quant à lui d'une affaire "nécessaire" car il est temps pour "l'architecte de notre chaos national" de faire face à la justice.
La presse américaine n'est cependant pas unanime. Le Wall Street Journal reconnaît que le comportement de Donald Trump a été "destructeur" en 2020 mais s'interroge ouvertement: Etait-ce vraiment criminel? Même son de cloche enfin du côté du New York Post, qui explique que "tout ce qui est mauvais en politique n'est pas forcément illégal", ajoutant qu'il est loin d'être évident qu'une quelconque loi ait été enfreinte.