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L'Europe s'entraide davantage pour mieux lutter contre les incendies

Pour faire face aux incendies devenus la norme en Europe durant l'été, l'Union européenne et les autorités locales des différents pays membres ont décidé de développer une réponse commune, passant notamment par une aide préventive sur le terrain et une mutualisation des moyens.
En Grèce, le front des incendies est désormais plus calme après les violents feux de ces dernières semaines, notamment sur l’île de Rhodes. [afp - STR]
En Grèce, le front des incendies est désormais plus calme après les violents feux de ces dernières semaines, notamment sur l’île de Rhodes. [afp - STR]

En Grèce, le front des incendies est désormais plus calme après les violents feux de ces dernières semaines, notamment sur l’île de Rhodes. Mais dans ce pays, comme dans d'autres, les incendies sont hélas devenus le classique de l'été, des feux toujours plus vastes et plus puissants.

Pour y faire face, l'Union européenne et les autorités locales des différents pays membres ont décidé de mettre au point une stratégie commune pour mieux protéger les citoyens des catastrophes et gérer les nouveaux risques. Et c'est la Grèce justement, où les incendies sont particulièrement virulents, qui fait figure de "laboratoire".

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Pré-positionnement de pompiers

Son premier volet consiste dans le pré-positionnement de pompiers par l’Union européenne dans les pays les plus à risque. Il s'agit autrement dit de fournir aux pompiers locaux une aide étrangère. Quatre cents pompiers ont ainsi été répartis pour la saison estivale entre la France, le Portugal et la Grèce. Ce dernier pays accueille actuellement le plus gros contingent, avec quelque 145 soldats du feu venus de six pays différents: la Bulgarie, la France, l'Allemagne, Malte, la Roumanie et la Slovaquie.

Florin Kirea était le responsable d'un détachement de vingt pompiers roumains basé deux semaines près d'Athènes. Lui et son équipe ont lutté contre pas moins de cinq incendies dans la région aux côtés de leurs collègues grecs. Dans l'émission Tout une monde de la RTS, il a témoigné de l'importance et de l'utilité d'un tel dispositif en Europe.

"Le climat en Grèce n'est pas le même qu'en Roumanie. L'air semble plus sec ici. Le programme de pré-positionnement, c'est très bien parce qu'on a toujours quelque chose à apprendre des autres pompiers", souligne-t-il, en l'occurrence des pompiers grecs avec lesquels ils peuvent échanger à propos des différentes procédures. "Et on peut mieux prendre conscience de ce qui pourrait nous arriver à nous dans 10, 15 ou 20 ans avec le réchauffement climatique", poursuit-il.

Derrière l'aide concrète et l'échange d'expérience, ce dispositif permet également de réaliser à quel point il s'agit d'une très importante opération logistique. Et lorsqu'il n'y a pas de feu, les équipes s'entraînent ensemble.

Mécanisme européen de protection civile

Un avion bombardier d'eau français venu en Grèce pour aider à lutter contre les incendies à Rhodes dans le cadre du mécanisme de protection civile de l'UE, le 28 juillet 2023. [afp - Nicolas Economou]
Un avion bombardier d'eau français venu en Grèce pour aider à lutter contre les incendies à Rhodes dans le cadre du mécanisme de protection civile de l'UE, le 28 juillet 2023. [afp - Nicolas Economou]

Malheureusement, cette aide préventive ne suffit pas toujours sur le terrain. Et ce sera probablement de plus en plus le cas à l'avenir avec le dérèglement climatique. Avec des températures extrêmes pendant seize jours d'affilée et un vent très fort, le cas de la Grèce en est le parfait exemple.

Rapidement dépassé par l'ampleur de la catastrophe, le pays a activé, le 18 juillet dernier, l'autre volet du dispositif, à savoir le mécanisme européen de protection civile. Très vite, cela a permis de mettre en place une aide coordonnée offerte soit directement par les autres Etats membres, soit par l'Union européenne. Les coûts de transport et les coûts opérationnels sont très largement pris en charge par la Commission européenne.

Cela s'est traduit par l'arrivée de nouveaux moyens de lutte contre les incendies, notamment aériens. Parmi eux, certains font même partie d'une flotte mutualisée de réserve qu'on appelle la flotte RescUE. Une flotte dont les avions appartiennent aux Etats membres mais qui dépend directement de l'Union européenne. Elle compte au total 24 avions et 4 hélicoptères anti-incendie.

Dans ce cadre, Chypre a fourni à la Grèce deux petits avions Air Tractor anti-incendie, capables de larguer 3000 litres d'eau sur des feux naissants. "On est arrivés il y a onze jours", raconte Iandas, qui fait partie de l'équipage. "On fait des patrouilles de trois heures, deux fois par jour. Moi, je suis observateur: je prends des photos, je gère les communications avec le sol et je détermine où effectuer les largages. On est intervenus sur trois feux."

"Tous les pays peuvent se retrouver comme la Grèce"

Lorsqu'ils débarquent, c'est un soulagement pour les équipes sur place de voir arriver ces moyens supplémentaires. "Tout le monde a besoin de l'Europe dans une situation aussi difficile. Avec la crise climatique et les méga-feux, tous les pays peuvent se retrouver comme la Grèce. Et s'il y a besoin de faire appel à l'Europe, celle-ci répondra toujours et les Etats membres également. Il faut préserver cette solidarité européenne sur le terrain", a pour sa part réagi le lieutenant-colonel Vassilos Vicas.

Aujourd'hui, le coût de fonctionnement de RescUE est évalué à 23 millions d'euros pour l'Union européenne. Et le projet pour la Commission européenne est d'acheter directement de nouveaux appareils pour faire face aux incendies qui se multiplient.

Une coopération européenne croissante dans la lutte contre les incendies apparaît pour beaucoup comme une des solutions au problème, et la mutualisation des moyens semble inéluctable face au changement climatique. En parallèle, les autorités grecques ont lancé il y a deux ans un programme de 1,7 milliard d'euros afin de financer le remplacement des avions et hélicoptères anti-incendie vieillissants et le recrutement de 3000 nouveaux pompiers.

Jean-Jacques Héry/fgn

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"La crise climatique ne va pas disparaître"

Malgré le mécanisme européen d'entraide, les critiques ont été nombreuses cet été en Grèce concernant le manque de coordination, de moyens et d'organisation des pompiers, particulièrement à Rhodes. Du côté des autorités grecques, qui restent pour le moment très discrètes là-dessus, le discours officiel est certes volontaire, mais aussi très fataliste.

"On ne parle plus de changement climatique, mais de crise climatique", explique le lieutenant-colonel grec Vassilios Kikilias. "On regarde les choses d’un point de vue global. Regardez le Canada, un pays moderne, fort économiquement et qui se bat depuis trois mois contre les incendies. On le voit aussi en Tunisie ou au Maroc. Au Portugal et en Espagne, il a fait plus de 45 ou 50 degrés. Donc la crise est là. Il faut qu’on aille vers des politiques communes, parce que la crise climatique ne va pas disparaître."

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