L'Inde comptait jusqu'ici une loi robuste pour protéger ses forêts. Adoptée en 1980, elle obligeait les autorités ou les entreprises à mener des études d'impact environnemental et une consultation avec les population tribales avant d'autoriser la coupe des arbres dans les forêts protégées.
L'essentiel des projets ainsi étudiés sont généralement approuvés après ces études. Mais le gouvernement soutient que ce processus est trop long. Dont acte: à partir de maintenant, tout projet de déforestation lancé à 100 kilomètres d'une frontière ou dans une forêt enregistrée après 1980 n'aura plus à mener ces études.
Zone entre l'Inde et la Birmanie
"Les trois quarts de la forêt himalayenne n'est plus protégée par la loi", s'insurge Souparna Lahiri, conseiller climat dans l'association Global Forest Coalition, lundi dans La Matinale de la RTS.
Cela inclut, par exemple, la zone critique de biodiversité entre l'Inde et la Birmanie, qui comprend des espèces rares, mais aussi les Ghâts de l'ouest de l'Inde, qui compte des forêts primaires exceptionnelles, et qui pourraient être en partie coupées pour y lancer plus facilement des projets miniers ou routiers.
"Ces zones sont très riches et fragiles. Et maintenant vous pouvez les piller sans besoin d'autorisation. C'est énorme!", poursuit Souparna Lahiri.
"Travaux stratégiques" pour l'armée
Pour justifier sa réforme, le gouvernement insiste sur l'importance des zones frontalières pour la sécurité du pays, et souligne que l'armée doit pouvoir mener des "travaux stratégiques" de manière plus rapide, surtout à la frontière avec la Chine et le Pakistan.
Le gouvernement assure qu'il y aura toujours des contrôles contre la déforestation, plus faibles et au niveau des régions, et que des plantations d'arbres seront généralement entreprises pour compenser la coupe de ces forêts. Malheureusement, déplorent les biologistes, de telles plantations, souvent commerciales, remplacent difficilement la perte d'une forêt primaire ou très ancienne en termes de biodiversité et de capture des gaz à effet de serre.
Sébastien Farcis/vajo
Ritwick Dutta, le "justicier de l'environnement" pousuivi en justice
En Inde, l’Agence fédérale d'investigation a lancé des poursuites en avril contre l'un des avocats environnementaux les plus réputés.
Ritwick Dutta est accusé d’avoir reçu des fonds de l'étranger dans le but de contester en justice et de bloquer des projets de mines de charbon, ce que la police considère comme une atteinte à la sécurité de l'Etat.
Cette affaire fait suite à différentes poursuites menées contre des associations environnementales indiennes, et a choqué les défenseurs de l'environnement.
"Comment ils peuvent considérer que le fait d'exercer votre droit constitutionnel de contester un permis minier constitue un acte anti-national? C'est exagéré!", fustige Souparna Lahiri, conseiller climat dans l'association Global Forest Coalition, lundi dans La Matinale de la RTS. Selon l'expert, Ritwick Dutta a actuellement du mal à se battre, car la plupart de ses comptes ont été gelés.
Mobilisation villageoise en Turquie pour sauver une forêt
En Turquie, dans la forêt d'Akbelen - en majorité des pins - au-dessus de la station balnéaire de Bodrum, les tronçonneuses sont entrées en action fin juillet, protégées par les gendarmes et des véhicules blindés.
Venus en renfort des villageois, des centaines de militants écologistes ont accouru pour livrer ce qui est devenu depuis 2021 un combat national contre la déforestation et l'usage immodéré du charbon en Turquie.
Le charbon fournit au pays un tiers de ses besoins en énergie primaire, selon l'Agence internationale de l'énergie et un tiers de son électricité (chiffres en 2021).
Liens avec le pouvoir
En 2020, le ministère des Forêts a accordé à la société YK Energy, propriété de la puissante holding turque Limak, l'extension de sa mine de charbon dans la région d'Akbelen. Depuis, les recours se multiplient et la population ne désarme pas.
Les détracteurs du projet soulignent les liens étroits, selon eux, qui unissent le patron de la holding Limak, propriétaire de 50% des parts de la société YK Energy, au chef de l'Etat Recep Tayyip Erdogan.
Lettre au FC Barcelone
Les autorités provinciales de Mugla promettent de "réhabiliter" les zones minières en "plantant 130'000 arbres" mais mettent en garde contre "les attaques provocatrices et délibérées" visant la gendarmerie et la police.
A bout d'argument, les villageois et les défenseurs de l'environnement se sont adressés au FC Barcelone, qui a confié à Limak la rénovation de son célèbre stade, le Camp Nou.
Y a-t-il une place pour un mouvement écologiste dans les pays émergents?
En Chine, en Inde ou en Turquie, les récents investissements publics dans les mines de charbon provoquent une résistance farouche des populations locales.
Ces mouvements peuvent-ils donner naissance à une forme d'écologie plus politique dans ces pays? "La question environnementale reste très secondaire", indique Jean-Joseph Boillot, économiste, spécialiste des grands pays émergents, lundi dans La Matinale de la RTS.
"Les populations sont très sensibles à la question écologique, car on devient plus pauvre quand l'environnement se dégrade. Mais il n'y a pas de partis ou de mouvements politiques comme on peut les connaître chez nous."