Les jeunes, qui étaient ses principaux soutiens lors de la campagne présidentielle, sont les premiers déçus. Alors que l'année passée, ils défilaient dans les rues et distribuaient des tracts en faveur de leur candidat de gauche, aujourd'hui, ils organisent des assemblées pour décider des moyens de faire pression sur le gouvernement pour obtenir les réformes promises.
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"La déception est double", déclare dans Tout un monde Jaime Gomez, étudiant en master d'études urbaines et régionales à l'Université nationale de Colombie à Medellin.
"D'un côté, au sein des universités publiques, les jeunes sont déçus parce qu'ils n'ont pas accès à l'université ou parce qu'ils ne peuvent pas y rester fautes de moyens. Et de l'autre côté, dans les universités privées, c'est la déception, car les crédits et budgets promis ne sont pas arrivés", relate celui qui est également membre de l'organisation colombienne des étudiants.
Abandon des études
D'après Jaime Gomez, les départs ne cessent d'augmenter également dans l'enseignement supérieur. De plus, la vie des étudiants ne s'est pas améliorée et la précarité financière reste une inquiétude majeure.
"La désertion scolaire est en hausse, car les étudiants doivent travailler et étudier à la fois. Le niveau de revenu a tellement baissé dans les ménages, que les étudiants doivent chercher de quoi nourrir la famille et du coup abandonner leurs études", pointe-t-il.
Désaveu dans les sondages
Selon un sondage réalisé en juin par Invamer Poll, 61% des Colombiens désapprouvent Gustavo Petro. Le président avait débuté son mandat en août 2022 avec 56% de soutien et à peine 20% de désapprobation. Que s'est-il passé?
"Jusqu'à un certain point, c'est normal: il y avait un état de grâce après son élection et la constitution de cette grande coalition [composée de partis de gauche, du centre et de droite, ndlr] en août, qui n'a pas duré", note Yann Basset, enseignant en sciences politiques à l'Université du Rosario à Bogota.
"Les difficultés de Gustavo Petro ont commencé avec la rupture de sa coalition [en avril], parce que cela a introduit un certain nombre de doutes sur ce que va pouvoir réaliser le gouvernement. On lui reproche aussi ses conflits permanents avec les médias, la presse notamment", analyse-t-il.
Série de scandales
D'après le politologue français, l'accumulation des scandales politiques a déstabilisé le gouvernement de gauche: "Il y a eu quelques scandales de corruption affectant l'image personnelle de Gustavo Petro, qui touchent sa famille, son fils notamment, et des questions de financement de sa campagne", indique Yann Basset.
"Tout cela est en cours, on ne sait pas bien ce qui va en sortir. Mais c'est quelque chose qui a laissé planer le doute sur l'intention de changement du gouvernement. Ces révélations sur la campagne, qui auraient été faites par de proches alliés de Gustavo Petro, notamment l'ancien ambassadeur au Venezuela, Armando Benedetti, font qu'une partie de l'opinion a commencé à douter de l'intention de changements du gouvernement et à considérer que, finalement, avec celui-ci, on avait des pratiques politiques assez proches de celles plus néfastes de la politique traditionnelle", soutient-il.
Le dernier scandale date de la semaine dernière. Le fils aîné du président a été arrêté pour une affaire de blanchiment d'argent et d'enrichissement illicite. Il a également affirmé qu'une partie de l'argent a servi à financer la campagne électorale de son père.
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Manière de gouverner pointée du doigt
C'est un nouveau coup dur pour Gustavo Petro, qui a également perdu en quelques mois la majorité au Congrès.
"Une des choses non positives du président Petro, c'est la manière d'appliquer sa politique publique", explique encore Laura Bonilla, directrice adjointe de la fondation Paix et réconciliation.
"Il manque cruellement d'organisation au sein de l'État. Il y a aussi une confusion à cause du changement constant de fonctionnaire par le président. En Colombie, c'est quelque chose qui se fait par simple nomination par le chef de l'État. Il passe son temps à faire des remaniements ministériels, en plaçant, à chaque fois, des personnes proches de lui, au lieu de désigner des individus compétents. Il sacrifie le bon fonctionnement de l'Etat en échange de loyauté", déplore-t-elle.
Malgré tout, certaines réformes sont en cours et un cessez-le-feu historique a été signé il y a quelques jours avec l'Armée de libération nationale (ELN), la dernière guérilla active du pays.
Sujet radio: Najet Benrabaa
Adaptation web: Antoine Michel