La grève à Hollywood, ça change quoi pour vous?

>> Lire aussi : Les acteurs et les scénaristes paralysent Hollywood avec une grève historique

Vos séries et vos films retardés

La grève des scénaristes a déjà bousculé les prochaines saisons de séries phares comme "Stranger things", "911" ou "Grey’s anatomy". En juillet, le conflit s’enlise au point de mobiliser la puissante guilde des acteurs et actrices, leur syndicat. Et là, c’est le clap de fin. Pour le petit et grand écran: plus de tournages, plus de films, même des blockbusters comme "Gladiator 2", plus de promo ni sur les réseaux sociaux ni en festival et, plus près de nous, plus de Cate Blanchett à Locarno.

Bien sûr, on aurait préféré avoir les acteurs ici qui expliquent leur position. Mais dans un moment où ils décident ce que sont leurs priorités, on ne peut que prendre les conséquences de cela

Pourquoi cette grève massive?

Ces dernières années, le modèle des plateformes de streaming s’est accompagné d’une dégradation des conditions pour les professionnels. En particulier autour des droits résiduels, ces revenus générés en fonction des vues. Pour éviter de les payer en cas de succès, les plateformes proposent des contrats au forfait. Résultat: quand la série coréenne "Squid game" rencontre un succès planétaire, son scénariste coréen ne va pas toucher plus que le revenu proposé dans son contrat de base.

Nous sommes victimes de producteurs cupides. Je suis choquée de voir comment nos partenaires, ceux avec qui nous travaillons, nous traitent aujourd’hui

La guilde représente 160'000 actrices, acteurs, cascadeuses, danseurs et autres professionnels du petit et grand écran, dont le Lausannois Carlos Leal.

"Tout le monde ferait n’importe quoi pour être dans ces séries. Mais en fait, le problème, c’est qu’ils abusent de leur pouvoir, lorsque tout le monde est à leur service. On a vu, en effet, les conditions pour les acteurs se dégrader. Et pas que pour les acteurs: pour les techniciens, pour les réalisateurs, pour les auteurs. Et il est maintenant temps de dire stop", lançait-il le 21 juillet dans le 19h30.

>> Revoir le sujet du 19h30 sur la paralysie d'Hollywood :

>> Lire aussi : Après les scénaristes, les acteurs et actrices d'Hollywood se mettent aussi en grève

Un bras de fer à suspense

Avec l’arrivée du streaming, les revenus des scénaristes ont baissé de 23 % en dix ans, une baisse qui contraste avec les revenus des plateformes. En 2022, Netflix a engrangé 4 milliards de francs de bénéfices et, avec presque 3 milliards, l’année a été record pour Disney.

Le niveau d’attente des syndicats n’est pas réaliste, ils ajoutent aux difficultés de cette industrie, franchement c’est très déstabilisant

La dernière grève des scénaristes en 2008 avait duré 100 jours et s’était soldée par un accord à 2 milliards de dollars en faveur des grévistes.

Et en Suisse?

En Europe, certaines lois protègent les professionnels du cinéma du monopole des plateformes de streaming. En Suisse, la loi dite Netflix oblige ces géants du divertissement à redistribuer une partie de leurs revenus gagnés dans notre pays à la production cinématographique locale. Une loi qui pourrait aussi protéger contre ces fameux forfaits.

"C’est un moment important. Nous aussi, nous essayons de régler ce problème dit du "buyout" - je t’achète une fois pour toute -, du forfait. On essaie de faire quelque chose dans le cadre de cette nouvelle loi. On est tous obligés de s’y mettre, que ce soient les Européens ou les Américains", expliquait le cinéaste et président de la Société suisse des auteurs Denis Rabaglia, le 2 mai dans Forum.

>> Réécouter l'intervention de Denis Rabaglia dans Forum :

L’autre ennemi: l’intelligence artificielle

A côté des revendications sur les droits résiduels, les grévistes revendiquent une réglementation pour mieux protéger les artistes de l’utilisation de l'intelligence artificielle. "Les studios peuvent se servir des scénarios qu’on a déjà écrit pour leurs émissions et les faire ingurgiter par la machine, dans ChatGPT, pour recréer de nouveaux scénarios. Et du coup, ça nous remplace", déplorait une scénariste interviewée pour le 19h30 le 14 juillet dernier.

Pour ce qui est du métier d’acteur, l’intelligence artificielle est aussi présente depuis bien longtemps, comme le montre cet exemple que donnait le réalisateur Grégory Grenier dans Forum le 13 juillet dernier: "La cascadeuse bâloise Petra Sprecher avait tourné dans "Indépendance day 2". À l’époque, on avait mis des acteurs dans des salles et on les avait littéralement scannés de la tête aux pieds. Ils avaient dû signer un accord sur leur droit à l’image. Qui sait si ce n’était pas pour les multiplier? Aucune loi n’existe actuellement pour les protéger de l’IA", développait-il.

>> Lire aussi : L'intelligence artificielle au cinéma, seulement de la science-fiction?

Et toi dans tout ça ?

En plus d’attendre tes séries et tes films préférés, cette grève pourrait bien entamer encore la santé des salles de cinéma déjà mises à mal par le streaming et le Covid. Cette grève pourrait bien aussi avoir des conséquences sur les prix et les conditions des abonnements. Fin mai, Netflix a gagné près de six millions d’abonnés en interdisant le partage de compte.

Claire Burgy