En Colombie, Alain Berset visite un village de réinsertion d'anciens combattants des Farc
Depuis l'accord de paix signé en 2016 avec l'ancienne guérilla, pas moins de 24 espaces de réinsertion "ETCR" (pour "Espacios de Capacitación y Reintegracion") ont été créés dans des zones rurales de Colombie. Le but est de préparer les anciens combattants et combattantes à la vie civile dans ces zones séparées. La Suisse accompagne ce processus de paix.
En visite d'Etat en Colombie, Alain Berset a ainsi visité l'un de ces villages dans la région de Medellin, au cœur de la forêt tropicale, où vivent plus de 100 anciens membres des Farc. Il s'est montré impressionné par l'avancée des processus de reconversion professionnelle, dans des domaines tels que le tourisme, la confection ou le café.
Réalité "difficilement imaginable" en Suisse
Ces personnes ont vécu pendant des décennies dans la clandestinité et n'ont pas connu d'autre vie que celle de guérillero. Certains étaient déjà actifs comme combattants à l'âge de 15 ans, selon des propos recueillis par Keystone-ATS. "Vous avez montré que la paix est possible, c'est comme un miracle", a déclaré Alain Berset à ces habitants. À ses yeux, cela revêt une grande signification pour le monde entier.
Depuis 2019, les anciens guérilleros ont la pleine citoyenneté colombienne et le droit de s'installer où ils le souhaitent. Une partie des quelque 13'000 anciens combattants a déjà quitté les programmes de réinsertion pour s'installer dans des villes, malgré les difficultés (voir encadré). Mais beaucoup résident toujours dans les zones séparées. "C'est la réalité de ce pays, difficilement imaginable depuis la Suisse", a observé Alain Berset.
Première visite présidentielle
Parmi eux, Antonio Zapata purgeait une peine de prison avant d'arriver à LLanogrande. "Grâce au processus de paix, j'ai pu venir ici faire ma réinsertion", explique-t-il à la RTS. Désormais, il produit un café baptisé "Arôme de paix"... Auquel le président suisse a pu goûter. "Le café est très bon, mais c'est surtout très émouvant d'être ici. [...] C'est un message tellement positif que ça fait du bien à entendre", a-t-il commenté au micro de la RTS.
Il souligne aussi l'importance de les soutenir grâce à cette visite. Cela permet également de rappeler que la Suisse est traditionnellement très présente en Colombie, et qu'elle peut être fière du rôle positif qu'elle joue dans ce contexte.
Et cette visite a laissé une forte impression: l'humilité d'Alain Berset a marqué. Et, comme l'a expliqué un habitant: "C'est le premier président qui vient ici. Pour nous, cela signifie beaucoup."
Bonne image de la Suisse
Sans compter que la Suisse jouit en Colombie d'une très bonne image, comme l'indique Alain Berset au micro de Forum jeudi. "Il y a beaucoup de confiance envers la Suisse, car elle a une tradition stable d'engagement."
Et le président de la Confédération d'insister sur le fait qu'elle est tout à fait à sa place lorsqu'il s'agit d'aider celles et ceux qui souhaitent la paix. "La Suisse est aussi présente dans d’autres contextes où elle a pu apporter sa compétence et son savoir-faire en matière de paix, comme au Mozambique par exemple. Mais après les solutions sont toujours locales."
La Suisse va également apporter son savoir-faire en matière de conservation de la mémoire en Colombie, comme le révèle Alain Berset. "On va signer ici à Bogota un accord pour garder une copie des archives de tous les travaux qui ont amené à l’accord de paix en 2016", se réjouit-il.
fgn/jop avec ats et Anouk Henry
Des lacunes dans la mise en oeuvre
Malgré des progrès, le chemin vers la vie civile s'avère toutefois difficile pour de nombreux anciens membres des Farc. L'acquisition de terres pour un établissement à long terme par exemple est laborieuse. Il manque ainsi à de nombreux "Firmantes de Paz" (signataires de la paix) la base nécessaire pour pouvoir subvenir à leurs besoins.
Et la situation sécuritaire dans les zones de réinsertion est parfois précaire. Depuis 2016, plus de 350 anciens combattants ont été assassinés. Certaines d'entre eux ont été victimes du hasard de conflits persistants entre groupes armés dans ces régions.
D'autres ont été tués en raison de leur passé de guérilleros ou d'informations qu'ils possédaient. Un relogement a parfois été nécessaire.