Ce gouvernement de 21 membres est dirigé par le Premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine, nommé lundi, et comprend 20 ministres. Ceux de la Défense et de l'Intérieur sont des généraux du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) qui a pris le pouvoir.
C'est un signe de défiance envers les dirigeants des pays d'Afrique de l'Ouest opposés au coup d'Etat, qui se réunissent jeudi à Abuja pour un sommet crucial, après l'échec de leur ultimatum aux militaires qui ont pris le pouvoir.
Diplomatie privilégiée
"D'importantes décisions" sont attendues lors de ce sommet, a prévenu mardi la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao), qui a réaffirmé privilégier la voie diplomatique pour restaurer l'ordre constitutionnel au Niger, tout en maintenant sa menace d'un recours à la force.
La Cedeao, par la voix du Nigeria, qui assure la présidence tournante de l'organisation, s'exprimait pour la première fois depuis l'expiration dimanche soir d'un ultimatum de sept jours lancé aux militaires pour rétablir le président Mohamed Bazoum dans ses fonctions.
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Refus des négociations
Or, les nouveaux maîtres du Niger ont semblé jusqu'ici fermés aux tentatives de négociations de la Cedeao. Ce qui fait craindre que le sommet de jeudi matérialise la menace d'intervention militaire, aussi redoutée que critiquée dans la région.
Mardi encore, une délégation conjointe de la Cedeao, de l'Union africaine (UA) et des Nations unies avait tenté de se rendre à Niamey. En vain, les putschistes leur barrant la route en invoquant des raisons de "sécurité".
L'échec de cette visite s'ajoutait à un autre signe de défiance des nouveaux dirigeants nigériens: la nomination d'Ali Mahaman Lamine Zeine au poste de Premier ministre, première étape de la désignation d'un gouvernement.
Rencontre mercredi soir
Seule éclaircie à la veille du sommet, une rencontre mercredi soir à Niamey entre le général Abdourahamane Tiani et l'ex-émir de l'Etat nigérian de Kano Sanusi Lamido Sanusi, un proche du président du Nigeria Bola Tinubu.
"Nous sommes venus en espérant que notre arrivée va ouvrir la voie à de vraies discussions entre les dirigeants du Niger et ceux du Nigeria", a déclaré l'ex-émir, précisant cependant ne pas être un "émissaire du gouvernement" nigérian.
afp/ami
Au Niger, "un climat de désinformation", selon Pauline Bend
Pauline Bend est responsable pour le Sahel au sein de la Fondation Hirondelle et supervise ses activités au Niger, au Burkina Faso et au Mali. Cette organisation suisse à but non lucratif mène des programmes pour informer les populations de ces pays.
La Matinale a invité jeudi Pauline Bend à faire le point sur le travail des journalistes au Niger, dont ceux de la fondation, qui s'expriment au travers du Studio Kalangou, un journal quotidien de deux heures diffusé par des radios partenaires en cinq langues.
La responsable fait état d'un contexte délicat, qui oblige à "marcher sur des œufs". Quelques incidents ont eu lieu au début, tels que des caméras cassées lors de rassemblements au siège du parti du président renversé Mohamed Bazoum. "Mais, jusque-là, il n'y a pas eu de mouvement de répression contre les journalistes", indique Pauline Bend.
"En mode de vigilance"
"Mais, évidemment, dans ce type de contexte, il y a beaucoup d'inquiétude", souligne la responsable. Elle décrit "un climat de désinformation où tout le monde peut être pointé du doigt".
Résultat, "nous sommes entrés en mode de vigilance", déclare-t-elle. "Plus que jamais, il faut faire très attention à ce qui sort sur les ondes, parce qu'on ne sait pas comment cela va être perçu, mais surtout comment cela peut être déformé. Si quelque chose est dit à l'antenne, et que ce n'est pas contextualisé ou remis avec tout ce qu'il faut comme équilibre, on ne sait pas comment cela peut être manipulé", relève-t-elle.
Diversité des points de vue
Pauline Bend insiste sur le droit à l'information et à l'expression des divers avis présents dans la population. Elle rappelle que la Fondation Hirondelle et le Studio Kalangou ont pour missions d'informer le plus grand nombre et de représenter la diversité des points de vue. A l'heure actuelle, faire une "information équilibrée" est un défi majeur des journalistes.
"Notre focus est vraiment sur le plus grand nombre, les besoins d'information et l'intérêt des Nigériens, avant l'intérêt de tout groupe politique. C'est cela qui a, d'une certaine manière, protégé le studio Kalangou. On espère que, comme au Mali ou au Burkina Faso [où des coups d'Etat ont eu lieu ces dernières années, ndlr], nos médias ne seront pas inquiétés, grâce aussi à leur ancrage national", dit-elle encore.