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Espoirs de paix en Colombie entre gouvernement et guérilla marxiste de l'ELN

Le président colombien Petro Gustavo lors de la déclaration du cessez-le-feux entre l'ELN et le gouvernement, le 3 août 2023. [afp - Sebastian Barros]
Lueur de paix en Colombie entre gouvernement et guérilla marxiste de l'ELN / Tout un monde / 6 min. / le 14 août 2023
La délégation de la guérilla colombienne de l'Armée de libération nationale (ELN) est arrivée à Caracas dimanche pour reprendre les négociations de paix avec le gouvernement colombien. Les représentants du gouvernement sont dans la capitale vénézuélienne depuis samedi.

L'Armée de libération nationale (ELN) mène une guérilla marxiste en Colombie depuis 1964. Après le démantèlement des célèbres Farc, elle est devenue l'un des groupes armés les plus anciens et les plus grands du pays, disposant d'une force de plusieurs milliers d'hommes, selon les autorités. L'organisation est placée sur la liste des organisations terroristes des Etats-Unis, du Canada et de l'Union européenne.

Plusieurs présidents colombiens se sont déjà cassés les dents en tentant de démobiliser ces guérilleros. Mais alors qu'un cessez-le-feu vient d'entrer en vigueur, une quatrième session de négociations entre l’ELN et le gouvernement colombien s'ouvre lundi au Venezuela, laissant entrevoir de grands espoirs de paix.

Plusieurs conditions réunies

Et plusieurs conditions semblent aujourd’hui réunies. Si l'ELN n’avait pas voulu se démobiliser lorsque les FARC avaient déposé les armes en 2016, les négociations semblent cette fois-ci avoir atteint un niveau assez rare, comme l'explique Philipp Lustenberger, envoyé spécial de la Suisse pour le processus de paix en Colombie. La Suisse est, pour rappel, l'un des quatre pays qui accompagnent le processus.

"Il y a eu plusieurs tentatives de négociations entre le gouvernement colombien et l'ELN. Mais aujourd'hui, après un peu plus de six mois, les négociations ont beaucoup avancé", se réjouit-il au micro de l'émission de la RTS Tout un monde. "Ils ont développé un ordre du jour très détaillé, ils se sont accordés sur un cessez-le-feu qui est entré en vigueur le 3 août et ils ont fait imprimer un accord sur la participation de la société qui est le thème clé de cette négociation."

Revendications sociales

L’ELN, très politique, exige en effet que les revendications sociales soient inclues dans le processus de paix. Comme le rappelle Bernardo Tellez, un des commandants actifs de la guérilla et numéro 3 de la délégation qui négocie, ce point constitue la pierre angulaire dans la construction d'une paix durable en Colombie.

"Il y a trois points principaux à l’agenda: la participation de la société, la démocratie et la transformation sociale pour la paix. Nous voulons réussir à ce que ces trois points deviennent le moteur d’un nouvel accord national, posant les bases de ce qui doit changer dans le pays pour que notre société puisse se tourner vers une paix plus stable et plus durable", détaille-t-il.

Changement incarné par Gustavo Petro

Pour le Suisse Philipe Lustenberger, l'élément principal qui a favorisé ces négociations est l'élection, l'an dernier, de Gustavo Petro à la présidence du pays, lui-même étant un ancien guérillero. "C'est le premier gouvernement de gauche en 200 ans d'histoire de la Colombie. Alors il y a quelques points en commun malgré de nombreuses différences qui devront être discutées autour de la table des négociations. Mais concernant la participation de la société, il y a une certaine vision conjointe."

L’ELN reconnaît d'ailleurs elle-même que leurs aspirations coïncident avec celles du nouveau chef d’Etat, comme le souligne Bernardo Tellez.

"Depuis 2019, il y a eu une augmentation des soulèvements sociaux. Le 28 avril 2021, il y a eu un soulèvement populaire très puissant, et c’est ça qui a donné au gouvernement de Petro son mandat pour le changement. C’est-à-dire que Petro a été élu grâce à cette explosion sociale, grâce à ce qu’une partie importante de la jeunesse et de la population réclame des changements fondamentaux."

Selon lui, le gouvernement de Petro incarne donc ce changement. "Nous aspirons à ce que le gouvernement puisse mettre en œuvre ce changement et que les pouvoirs qui contrôlent de facto ce pays permettent à Petro d’atteindre ses objectifs."

Tirer des leçons du passé

D'autres facteurs permettent d’expliquer les succès actuels. Les différentes parties au conflit peuvent en effet s’appuyer sur les expériences précédentes, comme le note Carlos Ruiz Massieu, représentant spécial du secrétaire général et chef de la mission de vérification en Colombie. Il est notamment chargé de vérifier l’implémentation du cessez-le-feu.

"Cela ne fait aucun doute que l’expérience des Farc de 2016, mais aussi le précédent cessez-le-feu de 2017 avec l’ELN, nous permettent de tirer des leçons. Certaines sont positives, d’autres sont à corriger. Donc cette fois, nous allons tenter de mettre en place ce que nous avons appris dans le passé. Par exemple, ne pas se contenter d’avoir des mécanismes de contrôle au niveau national, mais également au niveau régional et local, car on peut résoudre les problèmes plus rapidement lorsqu’on le fait depuis le terrain."

Projet de "paix totale" lancé

Le gouvernement est d'ailleurs engagé dans un processus qu’il a appelé "paix totale", visant à démobiliser tous les groupes armés simultanément, y compris les groupes narcotrafiquants, ainsi que les dissidences des Farc qui ne se sont pas démobilisées. Ce projet suscite l’enthousiasme de la communauté internationale, même si, à ce jour, c’est le processus avec l’ELN qui est le plus avancé.

Délégué du gouvernement dans ces négociations, Rodrigo Otero Garcia est aussi optimiste. "Nous avons des signes de très bonne volonté de toutes les parties, d’abord de la délégation de l’ELN, mais aussi de la communauté internationale qui a confirmé une fois de plus sa confiance dans le processus, ainsi que sa volonté de l’appuyer techniquement, politiquement et financièrement. Et enfin, nous avons le mandat du Conseil de sécurité des Nations unies, qui a réitéré son rôle dans le contrôle du cessez-le-feu et dans l’accompagnement du processus."

Le contexte est donc favorable pour que ces pourparlers aboutissent. Mais l’histoire de la Colombie a montré qu’il suffisait d’un rien pour mettre à terre tous les efforts en faveur de la paix.

Anouk Henry/fgn

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