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Vers une défense commune pour les pays nordiques désormais réunis au sein de l'Otan

des soldats se rendant en Norvège pour l'exercice militaire Trident Juncture 18 de l'OTAN. [Keystone - Remko de Waal - EPA]
La défense militaire norvégienne / Tout un monde / 5 min. / le 15 août 2023
Après l'adhésion de la Finlande et bientôt de la Suède, les cinq pays nordiques - avec le Danemark, la Norvège et l'Islande - seront réunis au sein de l'Otan. Le Premier ministre norvégien estime qu'il s'agit désormais de discuter plus intensément de coopération et de sécurité.
Jonas Gahr Stoere, ministre norvégien des Affaires étrangères. [Jeff Zelevansky / Keytone]
Jonas Gahr Stoere, ministre norvégien des Affaires étrangères. [Jeff Zelevansky / Keytone]

L'adhésion de la Finlande et bientôt de la Suède au sein de l'Otan change la donne pour tous les pays nordiques, a souligné le Premier ministre norvégien Jonas Gahr Stoere lors d'un sommet avec le président américain à Helsinki en juillet dernier.

"Pour la première fois dans l'histoire moderne, nous avons les cinq pays nordiques au sein de l'Otan. La Suède va bientôt nous rejoindre. Nous pourrons donc discuter de coopération, de sécurité et beaucoup plus que cela."

Mais comment la Norvège, membre fondateur de l'Alliance atlantique, et accessoirement gros producteur d'énergie, se positionne dans cette nouvelle configuration?

Un tout récent sondage montre que les deux tiers des Norvégiens sont bien décidés à défendre militairement leur territoire en cas d'attaque, mais également celui de leurs voisins. Et le fait que toute la région se présente aujourd'hui unifiée au sein de l'Alliance joue peut-être un rôle dans le résultat de cette étude menée par l'Institut de recherche sur la paix d'Oslo.

Inquiétude grandissante au sein de la population norvégienne

Une détermination que le contexte actuel a sans doute renforcée, selon Henrik Urdal, directeur de l'institut de recherche: "La Norvège partage des frontières terrestres et maritimes avec la Russie. Et bien sûr, il y a une inquiétude grandissante au sein de la population norvégienne. La hausse des tensions concernant la sécurité en Europe augmente aussi les risques pour la Norvège", explique-t-il au micro de l'émission Tout un monde de la RTS.

Mais ce qui est plus surprenant aux yeux d'Henrik Urdal, c'est que la population norvégienne montre le même empressement à défendre les pays voisins: "Défendre ses voisins, c'est plus compliqué que défendre son territoire. Il est intéressant de constater que les personnes interrogées considèrent cela comme tout à fait évident et naturel. Deux tiers d'entre eux se disent prêts à défendre militairement les Suédois, les Finnois, les Danois. Un sondage semblable a été mené en Suède à la fin de l'an dernier et la solidarité envers les Norvégiens s'exprime avec la même intensité."

Une solidarité qui n'est pas nouvelle

Cette solidarité n'est pas nouvelle. Depuis les années 1950, le Conseil de coopération nordique a cimenté cette alliance. Et l'élargissement de l'Otan au nord de l'Europe va permettre de tisser d'autres liens, souligne Cyril Coulet, spécialiste des pays nordiques.

"L'Otan offre un cadre renouvelé pour l'expression de cette solidarité puisque c'est celle de l'article 5 de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord qui prévoit cette solidarité automatique entre ses membres", détaille-t-il.

Cette solidarité existait déjà d'une certaine manière entre la Suède et la Finlande au travers du traité d'Amsterdam au sein de l'Union européenne, mais qui excluait la Norvège qui n'est pas membre de l'UE, poursuit-il. "Donc là, on assiste à une homogénéisation, ou en tout cas à une convergence des doctrines stratégiques des pays nordiques, qui est en phase avec leur sentiment de très grande proximité culturelle."

Cyril Coulet estime en outre que les autre pays européens peinent à comprendre ce sentiment de menace et d'encerclement que vivent les pays nordiques. Que ce soit en mer Baltique ou dans l'Arctique.

"Ce sont des espaces dans lesquels la Russie est très présente", explique Cyril Coulet. "Elle est présente dans la Baltique au travers de Saint-Pétersbourg et Kaliningrad, dont on sait que c'est une enclave qui abrite des équipements militaires, éventuellement des missiles de longue portée et des missiles avec des têtes nucléaires." Quant à l'Arctique, de plus en plus libérée de la glace, elle devient de plus en plus aussi un espace sur lequel peut potentiellement peser la menace russe.

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La neutralité au second plan

Pourtant, ces mêmes pays se sont longtemps perçus comme neutres, la Suède de façon assumée, mais aussi la Norvège à travers sa diplomatie de paix. La médiation a ainsi longtemps été un élément central de la politique étrangère norvégienne. Mais selon Cyril Coulet, la neutralité, la médiation et le multilatéralisme sont clairement passés au deuxième plan avec l'adhésion de la Finlande et de la Suède à l'Otan.

"Le choix de rejoindre une alliance militaire en temps de paix semble indiquer que la sécurité collective est en grande difficulté pour garantir la paix. Et il y a là, selon le spécialiste, quelque chose d'un peu nouveau, dont on a du mal à prendre la mesure. "Il y a une contradiction ou une difficulté dans le fait d'être à la fois présenté comme un médiateur, et en même temps, être assimilé à un ensemble occidental de sécurité, un bloc occidental aujourd'hui potentiellement en rivalité avec d'autres blocs."

Une nouvelle ère géopolitique

Pour Henrik Urdal, la Norvège et les autres pays nordiques entrent donc dans une nouvelle ère géopolitique, avec moins d'efforts diplomatiques et plus de politique de sécurité. Selon lui, cette politique va sans doute prendre forme ces prochains mois.

"Rien ne s'est encore formellement passé, mais il est évident que les efforts des pays nordiques peuvent être beaucoup mieux coordonnés, avec un commandement nordique par exemple. Mais avec aussi certainement un effort de défense commun, avec une répartition entre pays des achats de matériel militaire et une utilisation plus concertée des équipements."

Pour le moment, tous les pays nordiques ont augmenté leurs budgets militaires afin d'atteindre 2% du Produit intérieur brut, une demande formulée par l'Otan.

Francesca Argiroffo/fgn

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