Le Japon prévoit de rejeter en mer plus de 1,3 million de tonnes d'eau de la centrale de Fukushima Daiichi provenant d'eau de pluie, de nappes souterraines et des injections nécessaires pour refroidir les coeurs des réacteurs entrés en fusion après le tsunami de mars 2011 qui a dévasté la côte nord-est du pays.
Ces eaux ont été traitées au préalable pour les débarrasser de leurs substances radioactives, à l'exception toutefois du tritium, qui n'a pas pu être retiré avec les technologies existantes. Seules des doses hautement concentrées de tritium sont nocives pour la santé, selon les experts.
Aussi Tepco, l'opérateur de la centrale de Fukushima, prévoit un rejet dans l'océan étalé jusqu'au début des années 2050, à raison de 500'000 litres par jour maximum, et avec une dilution pour réduire le niveau de radioactivité de l'eau riche en tritium bien en deçà des normes nationales pour cette catégorie.
Sans danger, selon Tokyo et l'AIEA
Le Japon affirme ainsi que cette opération ne présente aucune menace pour l'environnement marin et la santé humaine. Le processus a aussi été validé début juillet par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), qui contrôle le projet.
Du personnel de l'AIEA travaille sur place pour s'assurer que le projet "reste conforme aux normes de sécurité", et mettra aussi à disposition de la communauté internationale des données de suivi "en temps réel et quasi-réel", a précisé mardi l'agence dans un communiqué.
Tepco et l'agence japonaise de la pêche mettront aussi des données de contrôle en ligne.
Les pays voisins dénoncent
L'opération suscite cependant de vives inquiétudes et des critiques. "L'océan est la propriété de toute l'humanité, ce n'est pas un lieu où le Japon peut arbitrairement rejeter de l'eau contaminée", a fustigé la diplomatie chinoise.
Pékin a déjà interdit dès le mois dernier les importations de produits alimentaires de dix départements japonais, dont celui de Fukushima, et procède à des tests de radiations sur les denrées provenant du reste du pays. Hong Kong a aussi décidé mardi d'interdire "immédiatement" les importations de produits de la mer provenant de dix départements japonais.
La Corée du Sud n'a de son côté pas formulé d'objection officielle, même si la population s'inquiète également. Des manifestations ont eu lieu ces derniers jours à Séoul pour protester.
Les craintes de la Chine sont peut-être sincères, mais son ton véhément s'explique probablement aussi par les tensions géopolitiques et économiques entre Pékin et Tokyo, estime James Brady, analyste du cabinet d'études Teneo.
Pékin peut ainsi "exploiter" la problématique de l'eau de Fukushima en essayant d'"exacerber" les divisions internes au Japon sur le sujet, exercer une "certaine pression" sur le commerce extérieur nippon et tenter de perturber le récent réchauffement des liens entre Tokyo et Séoul, estime-t-il.
Des craintes pour le secteur de la pêche
Des organisations environnementales aussi émis des critiques, à l'image de Greenpeace: "Le gouvernement japonais a opté pour une fausse solution - des décennies de pollution radioactive délibérée dans l'environnement marin - à un moment où les océans du monde sont déjà sous haute tension."
L'industrie japonaise de la pêche redoute quant à elle des conséquences néfastes pour l'image de ses produits, auprès des consommateurs nippons comme à l'étranger. "Nous sommes toujours opposés au rejet de l'eau" car "la sécurité scientifique n'équivaut pas nécessairement à un sentiment de sécurité dans la société", a déclaré son représentant à l'issue d'une rencontre avec le gouvernement.
Le Premier ministre Fumio Kishida a promis des mesures pour soutenir la filière japonaise de la pêche en encourageant sa production et la consommation intérieure de ses produits, ainsi qu'en ouvrant de nouveaux marchés à l'export. Un fonds de 30 milliards de yens (181 millions de francs) est aussi prévu pour faire face au risque d'une perte d'image.
afp/boi