Modifié

Quelle suite pour le groupe paramilitaire Wagner sans Evguéni Prigojine?

Après la mort de Prigojine, le groupe Wagner est dans l'incertitude
Après la mort de Prigojine, le groupe Wagner est dans l'incertitude / 19h30 / 2 min. / le 25 août 2023
En perdant mercredi ses trois chefs les plus influents, le groupe russe Wagner voit sa marque considérablement affaiblie. Reste pourtant un modèle de société paramilitaire, indirectement lié à l'Etat russe, qui devrait lui survivre.

En même temps que son chef charismatique Evguéni Prigojine, Wagner a perdu son bras droit Dmitri Outkine et son logisticien Valéry Tchekalov. De quoi durablement altérer son fonctionnement.

>> Lire : Le chef du groupe Wagner Evguéni Prigojine tué dans le crash d'un avion privé

Vladimir Poutine tout puissant

La mort de Prigojine laisse aujourd'hui le champ libre au président russe pour repenser la structure de cet empire parallèle, qui a probablement payé pour s'être cru trop fort. Et pour redéfinir le secteur des sociétés militaires privées (SMP) russe.

"Une leçon que Vladimir Poutine a probablement retenue de la mutinerie de juin est le danger d'accorder tant de pouvoir et de responsabilités (...) à un seul homme", écrit Catrina Doxsee, spécialiste du mercenariat pour le think-tank CSIS à Washington.

"Si la Russie devrait tenter de conserver le modèle des SMP pour sa politique étrangère et son assistance sécuritaire, il est probable que le marché va se diversifier" pour prévenir l'émergence d'un autre Prigojine.

>> Lire : Mort d'Evguéni Prigojine: Vladimir Poutine salue un homme "talentueux" qui a commis des "erreurs"

Déjà des candidats

Plusieurs groupes sont déjà sur les rangs dont Redut, qui est proche des renseignements militaires russes, Convoy, qui serait dirigé par un ancien employé de Wagner, ou encore Patriot. "Pour que ça fonctionne, cela demande plusieurs paramètres, dont avoir l'oreille de Poutine avec de la capacité financière, et disposer d'un outil d'influence", résume Lou Osborn, de l'ONG All Eyes on Wagner, coauteure d'un ouvrage sur le groupe à paraître en France en septembre.

Ces sociétés "ont beaucoup moins de prestance et sont moins abouties que Wagner mais elles suivent la même construction", précise-t-elle, constatant déjà l'arrivée en leur sein de transfuges de Wagner et leurs liens étroits avec le GRU, le renseignement militaire russe.

Avec elles, comme avec Wagner jusqu'à présent, le Kremlin est susceptible de jouer un double jeu, entre contrôle et soutien d'une part, et distance suffisante d'autre part pour ne pas avoir à répondre de chacun de leurs actes, en particulier en Afrique.

"Il est probable que l'Etat russe exercera un contrôle plus direct sur les SMP dans les pays étrangers, sans totalement admettre qu'elles sont sous l'autorité directe du Kremlin", analyse ainsi Aditya Pareek, de l'institut de renseignement privé britannique Janes.

>> Ecouter l'analyse de La Matinale :

Le drapeau avec l'emblème du groupe Wagner, à Rostov. [AFP - Vladimir Alexandrov]AFP - Vladimir Alexandrov
Que va devenir le groupe paramilitaire Wagner après le décès d'Evguéni Prigojine / La Matinale / 1 min. / le 25 août 2023

"Ne me doublez pas"

Mais la méthode du démantèlement à venir de Wagner reste à ce jour incertaine. Le processus pourrait inclure "une nouvelle appellation et les sociétés dans l'orbite de Wagner pourraient être divisées en entités distinctes", puis éventuellement nationalisées ou maintenues comme quasi-indépendantes, estime Catrina Doxsee.

La loyauté au Kremlin ne sera plus négociable. "Le feu d'artifice de mercredi soir, c'est un message très clair: 'Ne me doublez pas, c'est une affaire de survie," tranche Lou Osborn, ironisant sur le crash de l'avion de Prigojine.

Mais Moscou ne saurait se passer d'un tel outil, qui a fait ses preuves depuis des années, en Afrique, au Moyen-Orient mais aussi dans la guerre que Vladimir Poutine a déclenchée chez son voisin. "Les derniers succès tactiques en Ukraine, c'était Wagner", rappelle Maxime Audinet de l'Institut de recherche de l'école militaire (IRSEM), à Paris.

>> Lire : Les ennemis de Vladimir Poutine victimes de mystérieux "incidents"

Préserver un modèle

"Sans répéter les mêmes erreurs, la tentation semble réelle de préserver ce modèle opérationnel, celui de structures irrégulières et souples capables de s'émanciper des lourdeurs bureaucratiques rencontrées par les organes officiels pour intervenir là où l'État ne souhaite pas directement s'engager".

La transition, pour autant, ne sera pas limpide même si Evguéni Prigojine n'est plus là pour résister au démantèlement de son empire, travail de toute une vie.

"Prigojine avait une grande liberté d'action, une grande capacité de travail, un enthousiasme évident, certaines capacités organisatrices et il n'avait aucune appétence pour l'enrichissement personnel", estime Denis Korotkov, journaliste russe d'investigation. "Je ne vois pas d'autre figure comme lui."

>> Notre suivi de l'actualité en Ukraine : Le Kremlin dément formellement son implication dans la mort d'Evguéni Prigojine

ats/jfe

Publié Modifié