La gauche française partira-t-elle unie aux élections européennes de juin 2024? La Nouvelle union populaire écologique et sociale, née des dernières législatives en France, semble se trouver à un tournant. L'une de ses composantes, Europe écologie-Les Verts (EELV), a d'ores et déjà prévu de faire cavalier seul.
Ségolène Royal, 69 ans, a de son côté créé la surprise en proposant de mener une liste d'union de candidats des partis de gauche aux postes d'eurodéputés. L'ancienne ministre socialiste l'a annoncé aux réunions d'été de La France insoumise, principale force de la Nupes, et a reçu l'aval de la figure de proue du mouvement, Jean-Luc Mélenchon.
Posture d’outsider
Lundi dans La Matinale, Ségolène Royal estime que sa position d'outsider la justifie dans ce rôle de tête de liste: "Je pense être à l'écart de tous les calculs d'appareils politiques, qui dégradent la politique", assène-t-elle.
On en a assez de vivre sous la politique de la peur
Or à ses yeux, "il y a deux façons d'exercer la politique: soit aimer le pouvoir pour le pouvoir, soit aimer les gens qui vous l’ont confié provisoirement". Et d'après elle, la première option provoque un désintérêt pour la chose publique. De son côté, elle exprime sa préférence pour la seconde en citant le président socialiste François Mitterrand, dont elle a été ministre de l'Environnement au début des années 1990: "La cause que vous défendez est plus grande que vous."
Un livre pour exposer ses motivations
Sa cause, justement, est désormais d'œuvrer au retour de l'amour en politique. Un credo qu'elle expose dans un ouvrage paru cette année aux Editions du Rocher, intitulé "Refusez la cruauté du monde!" et qu'elle dédicacera ce week-end au Livre sur les quais à Morges.
Au micro de la RTS, elle appelle à "reconstruire l'espérance", après "l'effondrement des tendresses". Elle énumère à cet égard différents maux qui traversent la société: le Covid, le dérèglement climatique, l'inflation, l'approvisionnement énergétique ou encore la guerre. "On en a assez de vivre sous la politique de la peur", lance-t-elle.
Réserves au sein de la Nupes
Ségolène Royal se pose donc en figure rassembleuse, loin des querelles politiciennes. Mais sa proposition en vue des européennes a reçu un accueil mitigé de la part de différentes personnalités socialistes et écologistes.
Yannick Jadot, eurodéputé EELV, a notamment rappelé les propos controversés de l'ex-élue à l'Assemblée nationale, notamment ses doutes à propos des crimes de guerre commis par la Russie en Ukraine, pour lesquels elle avait présenté des excuses.
Ségolène Royal répond à ces réserves dans La Matinale, estimant que cet accueil peu enthousiaste est le signe "d'appareils politiques qui se recroquevillent sur eux-mêmes". Elle tance "des gens immatures qui n'ont pas conscience de ce que le monde attend et ne sont là que pour défendre leur petite place au chaud".
Une union qui aurait ses chances
Selon elle, peu importe l'attitude des dirigeants de partis: ce qui compte, c'est leurs bases et leurs électorats. Ségolène Royal allégue que les jeunesses socialistes et insoumise ont accueilli favorablement sa proposition de rassemblement. "Je pense qu'il y a une dynamique d'union, qui va se faire. Je vais réussir à la faire. Si les petits appareils politiques ne viennent pas, les électeurs viendront, eux, sur une liste d'union", soutient-elle.
La question de l'alliance risque donc bel et bien d'agiter encore la gauche française d'ici l'année prochaine. L'échéance ultime de la vie publique de l'Hexagone, la présidentielle de 2027, est, elle, encore bien loin, bien que bon nombre y pensent déjà. Ségolène Royal songe-t-elle pour sa part à se porter candidate, pour retenter l'expérience de 2007, lors de laquelle elle s'était inclinée au second tout face à Nicolas Sarkozy?
Non, répond-elle fermement. Elle répète son mantra: "Si vous voulez toujours courir après je ne sais quoi, c'est une vision détestable de la politique pour les gens."
Propos recueillis par Pietro Bugnon
Adaptation web: Antoine Michel