Le calvaire de la rentrée scolaire pour les mères ukrainiennes dont le conjoint est mort à la guerre
Près d'un millier d'écoles ont été détruites en Ukraine depuis le début de la guerre. Quant aux bâtiments scolaires et aux crèches épargnés, mais qui manquent cruellement d'abris, ils ne peuvent pas accueillir les enfants. Seule une minorité d'entre eux pourra donc vivre une rentrée normale ce vendredi en Ukraine.
Pour les jeunes mères ukrainiennes dont le conjoint est mort à la guerre, cette rentrée est particulièrement angoissante, se transformant pour elles en double peine, comme en témoigne jeudi dans La Matinale Yulia, 34 ans. La rentrée de sa fille de 4 ans à la crèche ne pouvant pas s'effectuer comme prévu, elle devra s'en occuper elle-même. Et ne pourra donc pas travailler.
"Un jour avant la guerre, on a reçu un message de la crèche nous disant de ne pas amener nos enfants. La crèche est restée fermée depuis. Depuis donc un an et demi", déplore-t-elle.
Mère et fille se sont d'abord réfugiées aux Pays-Bas avant de revenir à Kiev malgré la guerre. "Parce que c'est notre pays! Dès mon retour, je suis allée à la crèche, mais elle est toujours fermée. Et je ne vois rien qui laisse entendre qu'ils commencent à construire un abri", poursuit-elle, fatiguée par la canicule et les nuits entrecoupées par les bombardements.
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Pas d'aide de l'Etat
N'ayant toujours pas de solution pour son enfant, Yulia est à cran. "Je ne sais absolument pas ce que je peux faire! Je veux travailler! Mais comment avec une fille de 4 ans dont je dois m'occuper? Je suis seule désormais, parce que son père a été tué à la guerre. J'ai besoin d'argent pour la nourriture, le loyer. Donc j'ai vraiment besoin de travailler."
Et personne ne semble se soucier de sa situation. "Surtout pas les autorités", souligne-t-elle. Il faut dire que son conjoint et elle n'étaient pas mariés. Yulia ne bénéficie donc d'aucun soutien financier. Et elle n'est pas la seule dans ce cas. "Il y a beaucoup d'autres mères comme moi maintenant." Des mères qui sont plongées, à la veille de la rentrée scolaire, dans l'angoisse.
Parmi elles, il y a Olena, 28 ans, encore endeuillée par la mort du père de son enfant il y a à peine deux mois. "A ce moment-là, ma vie s'est arrêtée. J'ai dit à mon fils que son papa était au ciel et que son étoile brillait au-dessus de sa tête. Mon fils ne s'endort jamais avant de voir l'étoile. Mon mari a tenté de me préparer à ce qui est arrivé. Il m'a donné des instructions pour la suite. Il m'a demandé de ne pas laisser mon fils suivre ses traces. De faire en sorte qu'il ne devienne jamais militaire."
Moins de 20 francs par jour pour vivre
Au contraire de Yulia, Olena était mariée à son conjoint. Comme veuve du guerre, elle est donc censée recevoir une compensation financière de la part de l'Etat. Mais pour l'heure, elle doit se débrouiller ainsi: "Depuis deux mois, nous vivons uniquement des allocations familiales. Cela représente environ huit cents hryvnias", explique-t-elle, soit moins de 20 francs.
Elle et son fils vivent dans un petit village non loin du Donbass, où la vie est encore plus compliquée qu'en ville car aucune école publique n'est équipée d'un abri. "Nous n'avons pas les moyens de nous payer des écoles privées. C'est très cher. Je suis désespérée."
Tant de pays nous donnent de l’argent. De l’argent pour les militaires, pour le secteur médical, pour les écoles et ensuite? On n’en voit rien! Où va tout cet argent?
Olena est inquiète pour son enfant et pour leur survie économique. Car faute d'école, Olena non plus ne peut pas travailler, bloquée par son fils dont il faut s'occuper.
En Ukraine, à cause de la guerre, rares sont celles et ceux qui critiquent ouvertement les autorités. Parce qu'il faut montrer un front uni face à l'ennemi. Mais Yulia ne veut plus se contenir. Elle se dit "très en colère" contre les dirigeants.
"Pas seulement à cause de la garderie, mais pour tout, pour tout ce qui se passe ici. Tant de pays nous donnent de l'argent. De l'argent pour les militaires, pour le secteur médical, pour les écoles et ensuite? On n'en voit rien! Où va tout cet argent?", s'interroge-t-elle.
Maurine Mercier/fgn