Modifié

Isabelle Durant: "Les défauts de l'ONU ne doivent pas cacher le travail colossal qu'elle accomplit"

L'invitée de La Matinale (vidéo) - Isabelle Durant, politicienne écologiste belge
L'invitée de La Matinale (vidéo) - Isabelle Durant, politicienne écologiste belge / L'invité-e de La Matinale (en vidéo) / 12 min. / le 4 septembre 2023
Inutile, impuissante, verbeuse? Bien au contraire, l'ONU joue toujours un rôle central dans le maintien du dialogue entre les nations, aussi et surtout durant les périodes de conflit, a défendu Isabelle Durant, ancienne responsable onusienne, lundi au micro de la RTS.

Dans les crises mondiales actuelles, d'aucuns tirent le constat d'une impuissance avérée de l'Organisation des nations unies (ONU) à trouver des solutions aux conflits armés et multiples transgressions du droit international qui se multiplient sur la planète.

"A certains égards, c'est le cas", admet Isabelle Durant, secrétaire générale de la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement jusqu'en 2022. "Néanmoins, je pense que même si l'ONU est très imparfaite - par exemple de par la composition et les décisions du Conseil de sécurité - elle est aussi terriblement irremplaçable", estime-t-elle dans La Matinale de la RTS.

Car les Nations unies, "ce sont 196 pays, sans chef du monde, et ce dialogue des Etats reste absolument indispensable malgré ses défauts", défend Isabelle Durant. Son impartialité est également à relever, tout comme le dialogue en son sein, basé sur une charte. "Ses défauts ne doivent pas cacher le travail fantastique et colossal qu'elle accomplit", fait valoir celle qui signe "Le monde d’ici commence ailleurs - Coopérations utiles pour des temps compliqués" (Couleurs livres, à paraître ce mois-ci).

Actions concrètes pour les populations

L'ancienne eurodéputée écologiste belge défend ainsi les nombreuses "choses qui fonctionnent bien", soit un nombre "incalculable" de coopérations dans les domaines du commerce international, de la santé, du digital, sur le terrain et également avec des acteurs de la société civile.

Si l'ONU, en tant qu'organisation intergouvernementale, ne "gouverne pas le monde", elle est en revanche le lieu "dans lequel on se parle", où l'on essaie de trouver des solutions non seulement pour les grands problèmes du moment - paix, sécurité - mais également sur des questions très concrètes, relève Isabelle Durant.

Ainsi, si le président turc Recep Tayyip Erdogan se trouve ce lundi en Russie pour tenter de négocier avec Vladimir Poutine la reprise de l'accord sur les exportations de céréales ukrainiennes via la mer Noire, cette rencontre diplomatique - qui a pour but d'éviter de futures famines dans les pays dépendants - a lieu sous l'égide de l'ONU, souligne l'ex-responsable.

Le coeur et ses arythmies

Et s'il ne fallait retenir qu'une seule métaphore pour illustrer le rôle vital du dialogue onusien, Isabelle Durant a tranché, ce sera le coeur: pour l'irrigation sanguine assurée par le myocarde pour l'ensemble du corps, mais peut-être également pour le courage à davantage de générosité et d'altruisme entre les nations.

"En dépit de signes réguliers d'arythmie - guerre en Ukraine, coups d'Etat en Afrique, conflits persistants comme celui de la Palestine, redistribution des alliances entre pays du Sud (lire encadré) - le coeur de ce dialogue continue à battre", insiste-t-elle.

Propos recueillis par Pietro Bugnon

Texte web: Katharina Kubicek

Publié Modifié

De nouveaux équilibres entre Occident et pays émergents

A l'heure où la fracture entre l'Occident et les pays émergents semble se creuser - le sommet annuel des Brics vient notamment de connaître une expansion historique pour englober six nouveaux pays - le dialogue sur les questions de gouvernance mondiale n'a-t-il pas lieu ailleurs qu'au sein des instances onusiennes, très centrées sur l'Occident?

>> Lire aussi : Le Sud Global, un mouvement qui dépasse le front anti-occidental

"Du fait de décolonisations bâclées, de l'endettement abyssal des pays du Tiers-monde et de leur situation encore aggravée par la crise du Covid, nombre de pays du Sud ont aujourd'hui envers les Occidentaux un dialogue abîmé, qu'il va falloir réparer", convient Isabelle Durant.

Au sommet des dialogues

"Les Etats-Unis, l'Union européenne et autres devront pouvoir entendre aussi ce qui se dit dans les pays en développement, qui ne sont plus aussi 'dociles', ou n'acceptent plus les pistes que les Occidentaux établissent pour eux", indique-t-elle.

Si l'ONU n'est pas le seul endroit où l'on parle, elle reste le seul endroit où l'on parle tous ensemble, souligne encore l'ancienne responsable onusienne. "Personne n'a le monopole du dialogue, mais les Nations unies en sont le chapeau."