Voilà trois mois que la contre-offensive ukrainienne a débuté. Extrêmement difficile, l'opération est contrariée par les lignes de défense russes qui rendent toute avancée périlleuse pour le matériel et pour les soldats.
Pour certains, l'arrivée d'avions de combat F-16 pourrait changer la donne, même si ces appareils ne devraient pas être disponibles avant la fin de l'année, le temps nécessaire à la formation des pilotes. Toutefois, la réalité du terrain s'avère autrement plus compliquée.
Les Russes avancent au nord-est
Actuellement, les pertes humaines pour permettre des avancées, parfois seulement de quelques dizaines de mètres, sont très importantes pour les Ukrainiens. Sur le front sud, plusieurs succès ont pu être enregistrés au cours des derniers jours, avec notamment la prise du village de Robotyne (sud-est) mais aussi la première "percée" de la première ligne de défense russe, dans les environs de Verbove (sud-est), selon des sources officielles ukrainiennes.
>> Lire à ce propos : Des troupes ukrainiennes ont franchi "la ligne Sourovikine", 1ère ceinture de défense du dispositif russe
Mais ce qui s'apparente à de premières bonnes nouvelles pour l'armée ukrainienne depuis plusieurs semaines cache une situation beaucoup plus tendue à l'autre bout du front, dans le nord-est de l'Ukraine.
Dans l'oblast de Kharkiv, c'est bien l'armée russe qui gagne du terrain. Sur place, les témoignages sont très clairs. "Ici, nous arrivons à peine à nous défendre", peut-on entendre de la part de soldats ukrainiens. Sur ce front-là, l'arrivée future d'avions F-16 apparaît bien lointaine, alors que l'armée continue à manquer de tout.
Des armes occidentales qui n'arrivent pas
La RTS a pu se rendre près de cette ligne de front, à 6 kilomètres des positions de l'armée russe, et rencontrer Andrei, un soldat ukrainien de 28 ans. En attente d'un ordre de tir, cet ex-informaticien garde son talkie-walkie dans sa main qui n'arrête pas de trembler. L'homme est encore sous le choc, car l'armée russe les a ciblés dimanche pendant 15 à 20 minutes, faisant huit morts.
D'après lui, la Russie augmente nettement la pression dans cette zone et il devient difficile de se défendre. "Ils tirent chaque jour plus que nous (...) nos réserves de munitions sont maigres. En moyenne, on ne parvient à tirer que six à sept fois par jour", détaille-t-il.
Alors, quand on évoque l'arrivée prochaine de F-16, Andrei avoue être écoeuré. "Je n'ai pas de mots polis qui me viennent", dit-il simplement. Le soldat ravale sa colère, car l'Ukraine n'est pas en position de se fâcher avec les pays alliés. Mais il tient toutefois à le dire: jamais ou presque les armes occidentales ne sont arrivées jusqu’à lui.
"La majorité des munitions sont ukrainiennes. Parfois, cela arrive de Pologne et de République tchèque", dit-il en montrant du doigt des caisses, avant que des bruits de tirs russes interrompent la discussion.
Une exaspération perceptible
En Ukraine, l'impatience et l'exaspération sont de plus en plus perceptibles et apparaissent jusqu'aux plateaux de télévision, où les experts militaires n'hésitent plus à condamner la stratégie militaire occidentale d'aide à l'Ukraine.
"On a beaucoup parlé des F-16, mais ce qu'il faut surtout, ce sont des munitions, des munitions et des munitions", explique l'un d'eux. "Cette manière de faire est totalement irrationnelle, parce qu'elle provoque une guerre sans fin. On donne à l'Ukraine de quoi survivre, mais pas de quoi gagner", renchérit un second spécialiste.
Le fait que l'Occident fournisse si lentement les armes indique que l'Ouest souhaite un accord de paix (...) mais la Russie a montré à plusieurs reprises qu'aucun accord de paix ne l'intéresse avant une capitulation totale de l'Ukraine
Chars léopards, missiles à longue portée, avions de combat. Pour les Ukrainiens, ces armes restent nécessaires, mais les alliés ont bien trop tardé pour qu'elles se révèlent aussi efficaces qu'espéré. Conséquences directes, le nombre de victimes côté ukrainien ne cesse d'augmenter.
"Une hypocrisie" occidentale pointée du doigt
L'exaspération générale est également palpable lorsque des officiels occidentaux, ou même le grand public, se montrent de plus en plus "critiques" ou "déçus" des résultats de la contre-offensive.
Les experts militaires ukrainiens dénoncent une "hypocrisie", voire "une arrogance" des alliés qui ne fournissent pas assez d'armes et à un rythme bien trop lent.
"Le fait que l'Occident fournisse si lentement les armes indique que l'Ouest souhaite un accord de paix (...) mais la Russie a montré à plusieurs reprises qu'aucun accord de paix ne l'intéresse avant une capitulation totale de l'Ukraine", juge par exemple Oleg Shukov.
Pour les Ukrainiens, il n'est en effet pas possible de négocier avec Vladimir Poutine. D'après eux, il leur faut donc chasser l'armée russe d'Ukraine, qui détient encore un peu plus de 17% du territoire. Un territoire occupé sur lequel la Russie organise d'ailleurs cette semaine "des élections locales et régionales". Une façon claire de dire à Kiev que ce territoire restera russe "à jamais".
Reportage radio: Maurine Mercier
Adaptation web: Tristan Hertig