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Les coups d'Etat s'enchaînent en Afrique, mais ne se ressemblent pas tous

Des supporters de la junte manifestent contre la présence militaire de la France au Niger à proximité de la base française à Niamey, le 2 septembre 2023. [Keystone - Issifou Djibo/EPA]
Des supporters de la junte manifestent contre la présence militaire de la France au Niger à proximité de la base française à Niamey, le 2 septembre 2023. - [Keystone - Issifou Djibo/EPA]
Peut-on parler d'épidémie de coups d'Etat militaires en Afrique, en particulier dans les pays francophones? Le renversement d'Ali Bongo Ondimba au Gabon la semaine passée le laisse à penser. Mais ce putsch n'est pas tout à fait similaire à ceux survenus ces dernières années dans les pays du Sahel.

Après le Niger à la fin du mois de juillet, le Gabon a été à son tour le théâtre d'un coup d'Etat militaire la semaine passée, mettant un terme à la présidence d'Ali Bongo Ondimba, qui aura duré près de 14 ans.

D'autres présidents africains ont également été renversés par des hommes en uniforme ces dernières années: Ibrahim Boubacar Keïta (2020) puis Bah N'Daw (2021) au Mali; Alpha Condé (2021) en Guinée; Marc Roch Christian Kaboré (2022) puis Paul-Henri Sandaogo Damiba (la même année) au Burkina Faso.

Au Soudan, les événements dramatiques se succèdent depuis 2019 et la destitution du dictateur Omar el-Béchir. Les dirigeants civils de transition ont été évincés en octobre 2021 par le général Abdel Fattah al-Burhane, qui est entré en guerre contre Mohamed Hamdane Daglo, un ancien bras droit, au printemps de cette année.

Des situations différentes

L'Afrique vit-elle une "épidémie" de putschs? On peut répondre par "oui, mais". A entendre des politologues interrogés par la RTS, les pays du Sahel francophone et le Gabon, plus au sud, ne présentent pas les mêmes caractéristiques. Les symptômes sont similaires, il faut néanmoins se garder de mettre toutes les situations dans le même panier.

"Au Niger, le coup d'Etat a renversé un président démocratiquement élu. Au Gabon, l'armée intervient à la suite d'une élection présidentielle manifestement frauduleuse destinée à reproduire un Etat dynastique. La dynastie Bongo était arrivée au pouvoir en 1967 et l'a exercé sans aucune interruption", analysait mercredi dans le 12h30 le politologue Jean-François Bayart.

>> Ecouter l'interview de Jean-François Bayart dans le 12h30 :

Jean-François Bayart. [RTS]RTS
Coup d'Etat au Gabon: interview de Jean-François Bayart / Le 12h30 / 3 min. / le 30 août 2023

Interrogé le même jour dans Forum, le géopolitologue Michel Galy estimait de son côté que les termes "effet domino" et "épidémie" étaient appropriés. Il relevait toutefois que "l'Afrique centrale n'est pas l'Afrique de l'Ouest. Il n'y a notamment pas de mouvement djihadiste. Au Gabon, il s'agit plutôt d'un régime à bout de souffle".

Promesse de retour des élections

Au Niger par exemple, le général Abdourahamane Tiani, l'homme fort du nouveau régime, avait ainsi justifié le coup d'Etat par la nécessité de rehausser la sécurité dans une région victime de groupes armés djihadistes. La junte assure que le pouvoir retournera aux civils après une période de transition. Une promesse également faite au Mali, au Burkina Faso et en Guinée.

Au Gabon, les militaires semblent surtout avoir voulu se débarrasser de la dynastie Bongo, inaugurée par Omar Bongo il y a 55 ans et poursuivie par son fils Ali Bongo Ondimba à partir de 2009.

Le général Brice Oligui Nguema (en rouge) lors de son investiture en tant que président de transition du Gabon, à Libreville, le 4 septembre 2023. [AFP - -]
Le général Brice Oligui Nguema (en rouge) lors de son investiture en tant que président de transition du Gabon, à Libreville, le 4 septembre 2023. [AFP - -]

Le putsch a eu lieu juste après la proclamation de la victoire de ce dernier à l'élection présidentielle, un scrutin controversé, à l'instar des précédents. D'après Michel Galy, "aucune élection n'a été correcte". "Il n'y avait pas d'observateurs internationaux, il n'y avait plus de médias, plus d'internet. Cela dit tout sur un scrutin truqué à l'avance", précisait-il.

En prêtant serment lundi comme président de transition, le général Brice Oligui Nguema a promis davantage de démocratie et la tenue d'élections libres, sans toutefois spécifier de date.

>> Ecouter l'interview de Michel Galy dans Forum :

Le peuple soutenant le coup d'Etat militaire au Gabon [EPA / Keystone - Stringer]EPA / Keystone - Stringer
Coup d'Etat en cours au Gabon, le président Ali Bongo en résidence surveillée: interview de Michel Galy / Forum / 5 min. / le 30 août 2023

Une influence française en perte de vitesse

Ces pays sont d'anciennes colonies françaises, regroupées sous l'appellation de "Françafrique". Michel Galy définit ce terme comme "un système de domination et d'exploitation, où beaucoup de régimes sont des valets de Paris en échange de ressources". Au Sahel, la volonté de se distancier de l'ex-puissance coloniale ne fait aucun doute.

Les militaires au pouvoir au Niger et leurs soutiens dans la population ont affiché leur rejet de l'influence de la France, qui de son côté ne reconnaît pas le nouveau régime. Dernier épisode en date, des milliers de Nigériens ont manifesté ce week-end pour réclamer le départ des troupes tricolores stationnées dans le pays dans le cadre de la lutte anti-djihadiste. Et la junte exige le départ de Sylvain Itté, l'ambassadeur de France à Niamey, la capitale, sans que Paris cède.

Dès le renversement du président élu Mohamed Bazoum, le Mali et le Burkina Faso, voisins du Niger, ont offert leur soutien au nouveau régime, soulignant ainsi une fois de plus leur éloignement du giron français.

Or, "pour le moment, il n'y a pas de sentiment anti-français au Gabon", pointait mercredi Michel Galy. "Il y a un sentiment anti-néocolonialisme français et surtout anti-régime Bongo père et fils. Sur ce plan, c'est complètement différent du Sahel", nuançait-il.

Des suites en Afrique centrale?

Le regard des observateurs se tourne désormais vers d'autres pays d'Afrique centrale. Subiront-ils le même sort que le Gabon? Si oui, on pourra bel et bien avancer le terme "d'épidémie de coups d'Etat" dans la région.

Des hommes agitent des drapeaux gabonais pour célébrer le coup d'Etat, le mercredi 30 août 2023 à Akanda, sur la côte nord-ouest. [Kestone - EPA/STR]
Des hommes agitent des drapeaux gabonais pour célébrer le coup d'Etat, le mercredi 30 août 2023 à Akanda, sur la côte nord-ouest. [Kestone - EPA/STR]

Le Cameroun sera scruté de près. Le président Paul Biya, âgé de 90 ans, est au pouvoir depuis 40 ans. Et, à l'image d'Ali Bongo Ondimba, ses réélections successives ont été critiquées pour des fraudes et des irrégularités. Selon Jean-François Bayart, sa succession sera une "date fatidique".

Le politologue a également évoqué un changement d'image des militaires au yeux de la jeunesse: "Les régimes militaires ont reconquis une part de leur virginité perdue dans les années 1970-1980. Il y a un très grand renouvellement démographique en Afrique. Les jeunes générations n'ont pas forcément en mémoire les turpitudes des régimes militaires qui s'étaient imposés dans un certain nombre de pays, par exemple au Congo-Brazzaville."

Antoine Michel

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