Publié

"Ma priorité c’est ma famille": un déserteur ukrainien réfugié en Suisse témoigne

Des milliers d’Ukrainiens en âge de combattre ont fui le pays pour se soustraire à leurs obligations militaires. Témoignage d’un déserteur ukrainien en Suisse
Des milliers d’Ukrainiens en âge de combattre ont fui le pays pour se soustraire à leurs obligations militaires. Témoignage d’un déserteur ukrainien en Suisse / 19h30 / 2 min. / le 4 septembre 2023
En Ukraine, des milliers d'hommes se sont soustraits à leurs obligations militaires en achetant de faux documents à des fonctionnaires corrompus ou à des particuliers. Certains d'entre eux ont trouvé refuge en Suisse. L'un d'entre eux a accepté de témoigner anonymement, pour des raisons de sécurité, auprès de la RTS.

L'homme, de nationalité ukrainienne, est arrivé en Suisse au printemps 2022. Il est âgé d'un peu plus de 30 ans et n'a pas d'enfants. Son pays le considère comme un déserteur. Il l'a quitté avec de faux documents, facturés à 5000 dollars, pour éviter d'être mobilisé sur le front.

"J'ai trouvé une entreprise qui délivre de faux documents aux hommes en âge de combattre et qui veulent traverser la frontière pour quitter l'Ukraine", explique-t-il au micro du 19h30.

Après avoir reçu un permis de camionneur, il a pu quitter le pays. "Je suis sorti avec un camion de marchandises et un itinéraire fictif de Lviv jusqu'en Bulgarie, à Sofia", explique-t-il.

La famille avant tout

Le déserteur dit aimer l'Ukraine et avoir beaucoup de respect pour le président Volodymyr Zelensky, même s'il estime que son pays "est très corrompu". "Je sais que l'équipement envoyé pour l'armée ukrainienne par les autres pays n'arrive pas à 100% à destination", affirme-t-il.

Il a donc fait le choix de partir, car sa famille passe avant tout. "J'ai décidé de ne pas aller à l'armée, car ma priorité c'est ma famille, à savoir ma mère qui vit seule en Ukraine", raconte l'homme, qui dit que sa fuite était mûrement réfléchie. "Et si je vais à la guerre, je serai tué et personne ne pourra l'aider, notamment financièrement", poursuit-il.

Perception négative

A son arrivée en Suisse, l'homme a été accueilli dans une association vaudoise de soutien à la population ukrainienne, où il croise notamment des épouses de militaires. Sa désertion passe mal auprès de certaines d'entre elles.

"Beaucoup d'Ukrainiennes réfugiées en Suisse sont fâchées parce que leurs maris et leurs enfants ne peuvent pas passer la frontière et doivent rester au pays pour faire la guerre", explique Galina Storozhenko, une réfugiée ukrainienne. "Alors ces hommes qui fuient et désertent sont forcément mal perçus."

Le déserteur affirme toutefois ne pas ressentir cette perception négative. "Et même si cela devait être le cas, je n'y prêterais pas trop d'attention car c'est ma vie et j'en fais ce que je veux, peu importe ce que les autres en pensent", ajoute-t-il.

En Suisse, on compte 37% d'hommes parmi les réfugiés ukrainiens. Ils bénéficient tous du statut de protection "S". Il est impossible de savoir combien d'entre eux sont déserteurs, car la Suisse ne demande pas aux réfugiés ukrainiens s'ils ont désertés ou non.

>> Relire : Le statut de protection "S" pour les Ukrainiens en Suisse est maintenu jusqu'en mars 2024

Du côté de l'Ukraine, Volodymyr Zelensky a annoncé le 11 août dernier des mesures pour lutter contre les désertions et la corruption. Il a dit avoir congédié tous les responsables régionaux chargés du recrutement militaire. Le témoin du 19h30 risque une peine de 12 ans d'emprisonnement en cas de retour au pays.

Claude-Olivier Volluz/edel

Publié