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Pythons, loutres ou renards d'appartement, un commerce illégal qui passe par l'Espagne

L’Espagne est la plaque tournante du trafic d’animaux sauvages. Reportage au cœur de la lutte contre ce marché lucratif
L’Espagne est la plaque tournante du trafic d’animaux sauvages. Reportage au cœur de la lutte contre ce marché lucratif / 19h30 / 4 min. / le 5 novembre 2023
Pourtant illégale, la possession d'espèces sauvages comme animaux de compagnie est toujours plus populaire sur les réseaux sociaux. Plaque tournante de ce commerce, l'Espagne connaît une nette augmentation de ce phénomène.

Pythons royaux, loutres déguisées, suricates ou renards d’appartement dressés… Sur Tiktok ou Instagram, les vidéos d’animaux sauvages adoptés par des humains cumulent des milliards de vues. Si l’achat et la possession d’une espèce sauvage comme animal de compagnie sont devenus à la mode, ils sont pourtant totalement illégaux.

Carrefour entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique latine, l’Espagne est la plaque tournante de ce juteux trafic. Selon l’ONG WWF, le commerce international d'espèces sauvages représente une valeur comprise entre 7 et 23 milliards de dollars chaque année. Il serait le commerce criminel le plus lucratif au monde, après les trafics d’êtres humains, de drogues et d'armes.

Des opérations de sauvetage

L'année dernière, le nombre d'animaux protégés faisant l'objet d'un trafic vers l'Espagne a augmenté de 55% par rapport à 2021.

Les opérations de sauvetage d’animaux sauvages se sont multipliées ces derniers mois dans le pays. Pour tenter d’intercepter les trafiquants, les officiers de la Guardia Civil scrutent les annonces sur internet, où l’on peut trouver en quelques clics un singe capucin pour une valeur de 250 francs ou un serval pour moins de 10'000 francs.

Récemment, les policiers ont arrêté 77 personnes impliquées dans le trafic d'animaux en provenance d'Amérique latine ou tentant de les transporter en Espagne, dans le cadre d'une opération menée avec Interpol et des forces de sécurité d'Amérique latine.

Les sanctions encourues par les trafiquants sont généralement faibles, à savoir des amendes ou des peines d’emprisonnement allant de six mois à deux ans de prison. Elles sont donc en partie responsables de la forte augmentation du nombre d'animaux faisant l'objet d'un trafic vers le pays.

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Aussi des animaux empaillés

Si certains de ces animaux sont nés en Espagne, d’autres arrivent par les airs. C’est à l’aéroport de Madrid que les douaniers interceptent la plupart de ces espèces protégées. "Nous sommes le quatrième plus grand aéroport d’Europe. C’est une porte d’entrée pour les voyageurs d’Amérique latine et pour les vols en provenance d’Afrique. Il est donc très intéressant pour les trafiquants de faire passer leur marchandise par ici", explique Salvador Herrera, chef du service spécial des douanes de l’aéroport de Madrid.

Défenses d’éléphants, carapace de tortues ou sac en crocodile, l'aéroport abrite aussi une collection très particulière d’objets et d’animaux empaillés provenant des saisies des trente dernières années.

"Ce sont des marchandises que l’on a trouvé sur de vrais trafiquants, d’autres qui sont arrivées ici sans certificat obligatoire. Il y a aussi l’ignorance de certains voyageurs qui ramènent des animaux empaillés achetés dans des boutiques de souvenirs", détaille Juan Ignacio Iglesias, agent du Trésor Public.

Un sanctuaire pour animaux près de Madrid

Les animaux vivants saisis par les douanes sont transférés dans des refuges à travers le pays. Dans un lieu tenu secret à quelques kilomètres de Madrid, le centre Rainfer abrite quelques 130 primates.

Nombreux sont ceux qui gardent les séquelles de leurs années passées en captivité, à l’instar de Guille, un chimpanzé qui a vécu comme animal de compagnie pendant plus de douze ans. "Il était enfermé dans une cage de deux mètres carrés. On ne lui donnait que des chips et des petits gâteaux à manger. Il est arrivé ici avec de graves problèmes de santé, des malformations de la colonne vertébrale et de lourdes séquelles psychologiques", explique la directrice du centre Marta Bustelo.

Si ces singes peuvent vivre jusqu’à 60 ans, aucun d’entre eux ne pourra retrouver une vie sauvage. "Notre mission est de servir de sanctuaire, de devenir un foyer pour qu’ils passent le reste de leur vie dans des conditions dignes", ajoute Marta Bustelo.

Ces dix dernières années en Espagne, près de 15’000 animaux sauvages ont été saisis et confiés à des sanctuaires comme le centre Rainfer.

Marie Bolinches/saje

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