Le bilan des morts ne cesse de grimper dans cette ville de l'est de la Libye, au bord de la mer Méditerranée, frappée dimanche par la tempête Daniel, où des corps enveloppés dans des couvertures jonchent les rues ou sont entassés dans des pick-ups en route vers les cimetières.
Au moins 30'000 personnes qui vivaient dans cette cité de 100'000 habitants ont été déplacées, a indiqué l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), et les incertitudes demeurent sur le nombre exact de victimes de la catastrophe vu l'important nombre de disparus.
La mer rend le corps des victimes
Des corps ont commencé dès mardi à être rejetés par la mer qui a viré de couleur en devenant marron comme la boue.
Outre Derna, 3000 personnes ont été déplacées à al-Bayda et plus de 2000 à Benghazi, d'autres villes situées plus à l'ouest.
Selon le porte-parole du ministère de l'Intérieur du gouvernement en place dans l'est du pays, le lieutenant Tarek al-Kharraz, plus de 3800 personnes ont péri dans les inondations. Au moins 400 étrangers, essentiellement des Soudanais et des Egyptiens, figurent parmi les victimes.
Au moins 250 corps ont été retrouvés mercredi, alors que plus de 2400 personnes sont toujours portées disparues, d'après lui.
Bilan très incertain dans un pays divisé
En Libye, plongée dans le chaos depuis la mort du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011, deux autorités se disputent le pouvoir, l'une dans l'est et l'autre dans l'ouest.
Oussama Ali, porte-parole du "Service de secours et d'urgence" libyen relevant du gouvernement internationalement reconnu de Tripoli (ouest), a fait état mardi d'un bilan de "plus de 2300 morts" et environ 7000 blessés à Derna, ainsi que de plus de 5000 disparus.
Un responsable de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR) a fait état, lui, d'un nombre "énorme" de morts qui pourraient se compter en milliers, avec 10'000 disparus.
Depuis le grand tremblement de terre qui a secoué la ville d'al-Marj (est) en 1963, c'est la pire catastrophe naturelle que connaît la Cyrénaïque, province orientale de la Libye.
Dimanche après-midi, la tempête Daniel a atteint la côte orientale de la Libye, touchant la métropole de Benghazi avant de se diriger vers l'est en direction des villes du Jabal al-Akhdar (nord-est), comme Shahat (Cyrène), al-Marj, al-Bayda et Soussa (Apollonia) mais surtout Derna.
Quelques heures plus tard, les deux barrages sur Wadi Derna, qui retiennent les eaux de l'oued qui traverse la ville, ont lâché.
Des témoins ont indiqué à des médias libyens avoir entendu une "énorme explosion" avant que des torrents puissants n'atteignent la ville, débordant sur les rives, emportant les ponts et des quartiers entiers avec leurs habitants vers la Méditerranée.
L'aide s'organise
Dans le pays comme à l'étranger, la mobilisation est forte pour aider les victimes, même si les secours arrivent encore au compte-gouttes.
La Commission européenne a annoncé l'envoi d'aide de l'Allemagne, la Roumanie et la Finlande vers Derna dans le cadre du mécanisme de protection civile de l'Union européenne (UE).
L'UE a aussi débloqué une première enveloppe de 500'000 euros pour répondre aux besoins les plus urgents des Libyens.
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La Jordanie a envoyé un avion rempli d'aide humanitaire et l'Italie a annoncé le départ d'un navire et de deux avions de transport militaires pour acheminer experts et matériel logistique.
edel avec agences
Un phénomène météorologique particulier
Des mers plus chaudes, un chaos politique et des infrastructures défaillantes sont à l'origine des effets dévastateurs des inondations qui ont tué au moins 2300 personnes en Libye, selon plusieurs experts.
La tempête Daniel s'est formée autour du 4 septembre, semant la mort et la destruction en Bulgarie, en Grèce et en Turquie la semaine dernière avant d'arriver en Libye.
Un genre de cyclone
Ces tempêtes méditerranéennes qui présentent les caractéristiques des cyclones et ouragans tropicaux, appelés "medicanes" (contraction de Mediterranean hurricanes, ouragans méditerranéens), ne se produisent qu'une à trois fois par an.
Pour se former, elles ont besoin de flux de chaleur et d'humidité, qui sont "renforcés par les températures chaudes de la surface de la mer", souligne Suzanne Gray, professeur au département de météorologie de l'Université de Reading en Grande-Bretagne.
Or, depuis plusieurs semaines, les eaux de surface de la Méditerranée orientale et de l'Atlantique sont deux à trois degrés Celsius plus chaudes que d'habitude. Elles sont donc "susceptibles d'avoir provoqué des précipitations plus intenses", ont déclaré plusieurs scientifiques lors d'une réunion du UK National Climate Impacts.