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Sylvain Perron: "Tous les jours au Soudan, des enfants meurent de maladies simples à soigner"

Sylvain Perron, responsable de projet auprès de Médecin Sans Frontières. [RTS]
L'invité de La Matinale - Sylvain Perron, responsable de projet auprès de Médecin Sans Frontières / L'invité-e de La Matinale / 11 min. / le 15 septembre 2023
La population soudanaise vit des heures difficiles, alors que le pays est en proie à un conflit interne qui a déjà fait plus de 5000 morts depuis mi-mai. Selon Sylvain Perron, responsable du programme Soudan pour Médecins sans Frontières (MSF), le système de santé du pays est "à terre".

La guerre qui a éclaté le 15 avril au Soudan entre l'armée, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo, a déjà fait 5000 morts, selon le bilan très sous-estimé de l'ONG Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled). L'ONU estime quant à elle que le conflit a déjà entraîné un total de 4,8 millions de déplacés et réfugiés.

Sur place, en particulier dans la capitale Karthoum, la situation pour la population est "extrêmement difficile", rapporte Sylvain Perron, vendredi dans La Matinale de la RTS. "C'est un contexte de guerre urbaine qui est particulièrement difficile pour le déploiement des opérations humanitaires. Il est compliqué de travailler dans ces conditions, d'être exposé à ce risque permanent", précise le responsable du programme Soudan pour MSF.

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"Pas capables de répondre aux besoins"

Cette situation engendre la nécessité pour MSF d'engager des discussions avec l'ensemble des parties prenantes pour garantir la sécurité des équipes et l'accès aux structures sanitaires et aux hôpitaux. "Il faut que l'on puisse faire passer le message pour que les civils soient protégés et qu'ils ne soient pas des cibles", détaille Sylvain Perron.

Les organisations humanitaires sur le terrain ne sont pas capables pour le moment de répondre aux besoins des habitants, selon le responsable. "Ce n'est pas un question de moyens, mais plutôt de capacité à répondre sur place à l'urgence dans des conditions extrêmement difficiles (...) Nos équipes soutiennent plusieurs hôpitaux, mais malheureusement ce n'est qu'une petite partie de ce dont la population de Khartoum a besoin", explique-t-il.

Ces défis sécuritaires et humanitaires ont récemment poussé l'ONG basée à Genève à adapter ses projets au Soudan. "Nous avons dû fermer certains de nos projets au Darfour et à Khartoum", confirme Sylvain Perron. "Mais notre priorité reste l'accès à la santé et le soutien aux hôpitaux, notamment à destination des mères et des enfants."

Résurgence d'épidémie

Les conditions humanitaires déplorables entraînent par ailleurs la résurgence d'épidémies. "Ce sont des circonstances favorables. Dans le sud-est du pays, par exemple, il y a une épidémie de choléra à laquelle nos équipes essaient de répondre. Il y a aussi une épidémie de rougeole", déplore celui qui a également oeuvré longtemps dans la Corne de l'Afrique, en Afghanistan et au Pakistan.

Et d'alerter: "Au quotidien, des enfants meurent de maladies qui sont pourtant très simples à soigner, comme le paludisme."

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"Conditions effroyables" au Tchad

Un camp réfugiés soudanais de fortune, à Goz Beida, au Tchad. [Keystone - Marie-Helena Laurent]
Un camp réfugiés soudanais de fortune, à Goz Beida, au Tchad. [Keystone - Marie-Helena Laurent]

Récemment, quelque 400'000 réfugiés ont quitté la province du Darfour entre avril et juin pour trouver refuge au Tchad, après "d'effroyables combats", rapporte encore Sylvain Perron, précisant par ailleurs que la réponse humanitaire, là-bas, "n'est pas à la hauteur". L'ONG MSF s'est alors mobilisée dans les camps créés par le Haut-Commissariat aux réfugiés pour porter une assistance médicale, pour des soins de santé "primaires".

"Nos équipes sont en train d'ouvrir un hôpital de 150 lits dans un nouveau camp. Mais ce n'est pas suffisant. Il s'agit d'une prise en charge nutritionnelle, de la distribution de produits de première nécessité. Les conditions sont effroyables pour ces réfugiés qui se retrouvent déplacés loin de leur pays et au milieu de nulle part", détaille-t-il.

Propos recueillis par Pietro Bugnon

Adaptation web: Jérémie Favre

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