En apprenant que le Maroc avait été touché par le séisme dévastateur, l'écrivain franco-marocain explique ne pas s'être tout de suite rendu compte de l'ampleur de la catastrophe.
Le Maroc a connu d'autres tremblements de terre au fil des ans, Tahar Ben Jelloun s'en souvient. Il raconte notamment qu'en 1965, alors étudiant à Rabat, il a mis beaucoup de temps à oser rentrer chez lui après un séisme.
"J'ai dormi plusieurs nuits sur le gazon d'un parc à côté", explique-t-il dans le 19h30 de la RTS. Et la même chose est en train de se produire aujourd'hui pour les survivants, selon lui. "Ils ne veulent plus rentrer chez eux de peur que les répliques recommencent", affirme-t-il.
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Cette catastrophe est intervenue quelques jours avant les inondations en Libye ayant coûté la vie à au moins 11'300 personnes. "C'est tout le Maghreb qui est malheureux en ce moment", se désole Tahar Ben Jelloun.
Organisation des secours
L'urgence à présent est de fournir de l'aide aux survivants. Pour l'aider à faire face à cette crise sans précédent, la Suisse a promis une aide humanitaire au Maroc, mais attend toujours la réponse de Rabat.
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Le Maroc s'est en effet montré très sélectif et a même refusé l'aide de certains pays tels que la France.
Pour Tahar Ben Jelloun, il s'agit d'abord d'une question d'organisation pour ne pas se retrouver dans une situation où "toutes les aides arrivent en même temps et c'est le chaos", comme ce fut le cas lors du séisme en Haïti en août 2021.
"Il faut d'abord organiser l'acheminement des aides, parce qu'il y a un problème de routes", explique-t-il. "Il y a des éboulements tels qu'on n'arrive pas à accéder à des villages, qui restent toujours isolés, donc on ne peut pas avoir tout en même temps".
L'auteur a aussi remarqué "une solidarité marocaine importante" et à travers cette mobilisation, les Marocains souhaiteraient dire "nous sommes capables de gérer une situation catastrophique", selon lui.
Un roi discret
Depuis le séisme dans son pays, le roi du Maroc Mohammed VI s'est montré très discret et n'a toujours pas pris parole publiquement.
Tahar Ben Jelloun dément pourtant toute forme de froideur ou de manque d'empathie chez ce roi "qui parle très peu, mais qui agit tout le temps".
Depuis 20 ans, le roi a transformé le pays, il l'a modernisé. Il a donné énormément de choses au Maroc et aux Marocains
L'écrivain, qui s'est fait connaître du grand public en 1985 avec "L’enfant de sable", aborde dans ses romans les aspects les plus durs de la société marocaine. Il dit pourtant respecter et aimer beaucoup le roi, parfois contesté et décrit par certains comme quelqu'un d'autoritaire.
"J'ai connu l'époque de son père et je sais ce qu'il a fait pour le Maroc", affirme Tahar Ben Jelloun. "Depuis 20 ans, il a transformé le pays, il l'a modernisé. Il a donné énormément de choses au Maroc et aux Marocains".
L'écrivain estime que la discrétion est simplement dans la nature du roi, d'où son manque de prise de parole. "Il aime son pays, il travaille beaucoup, mais il parle très peu", résume-t-il.
Les deux Maroc
Il existe toutefois toujours deux Maroc, admet Tahar Ben Jelloun. "Il y a le Maroc qui profite beaucoup de cette modernisation et il y a les inégalités sociales qui sont criantes", explique-t-il. Un fossé important s'est creusé entre "les possédants et les pauvres", affirme l'auteur.
Il y a un fossé assez important qui s'est creusé entre les possédants et les pauvres
Quant à la liberté d'expression, Tahar Ben Jelloun affirme qu'elle existe au Maroc, mais avec certaines restrictions: "la personne du roi, l'intégrité territoriale du Sahara marocain et l'islam. À part ça, on dit tout", explique-t-il.
"Mais rien n'empêche aux gens de s'exprimer sur tous les sujets. C'est d'ailleurs ce que la presse ne s'empêche pas de faire", poursuit l'écrivain.
Tahar Ben Jelloun prévoit déjà de retourner au Maroc, qu'il visite régulièrement. "J'ai un contact permanent avec ce pays", dit-il. "Je l'aime, je le défends et je défends le travail formidable que fait le roi", conclut-il.
Propos recueillis par Jennifer Covo
Adaptation web: Emilie Délétroz