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Le rôle des réseaux sociaux dans l'idéalisation de la migration

Le rôle des réseaux sociaux dans l'idéalisation de la migration. [Keystone - Jeremias Gonzalez]
La mise en scène de la migration sur les réseaux sociaux / La Matinale / 4 min. / le 18 septembre 2023
En traversant la mer Méditerranée, de nombreux migrants se mettent en scène, se filment, puis publient leurs périples sur les réseaux sociaux. Ces présentations qui souvent intègrent des codes musicaux ou stylistiques renvoient une image glamour d'une dangereuse traversée.

Sur les réseaux sociaux, les images de migrants célébrant la réussite de leurs voyages sont virales. Des centaines de vidéos, postées sur Facebook, Instagram ou TikTok, montrent une mer plutôt calme, des bateaux transportant généralement une vingtaine de jeunes souriants, confiants, parfois, ils font carrément le signe de la victoire.

Ces clips sont accompagnés du hashtag #harraga, terme arabe signifiant "les brûleurs" - puisqu'ils grillent les frontières.

Idéalisation du parcours migratoire

"Les réseaux sociaux participent à la mystification du parcours migratoire", explique lundi dans La Matinale Ali Zoubeidi, spécialiste des migrations et consultant auprès d'organisations internationales.

Selon lui, chaque plateforme joue un rôle bien spécifique. Sur TikTok, les jeunes cherchent à attirer les candidats à la migration, WhatsApp donne la possibilité de gérer et de planifier le voyage, sur Facebook les passeurs offrent leurs services et Telegram permet de communiquer les moyens de paiement.

Pour les migrants, le choix de publier leurs histoires est une manière de s'approprier leur récit, relève Simon Mastrangelo, anthropologue suisse et spécialiste des questions migratoires.

Dans les médias traditionnels, le migrant est passif, les récits sont effectués par une personne extérieure, "alors que sur les réseaux sociaux, (...) ils parlent d'eux-mêmes, décident de la façon dont ils souhaitent se raconter. Cela fait toute la différence", analyse l'anthropologue.

Se convaincre soi-même

Mais derrière ces vidéos de réussite, il y a souvent la pression des passeurs qui participent indirectement à la glamourisation de ces traversées.

Certains passeurs mettent en scène leurs méthodes et la manière dont ils procèdent. Puis, ils demandent également aux passagers d'enregistrer leurs parcours pour afficher leur réussite et démontrer que leurs convois arrivent à bon port, révèle Ali Zoubeidi: "Ainsi, les naufrages seraient dus à des non-professionnels".

A cela s'ajoute une quête de sens: il n'y a pas forcément que la volonté de chercher à convaincre les autres, le plus important étant de se persuader soi-même, notamment face aux dangers encourus, explique Simon Mastrangelo: "En agissant ainsi, on prouve sa virilité et on donne une tonalité quasiment héroïque à la traversée".

De quoi donner l'impression que la migration est une aventure, et conférer un caractère romantique aux étapes traversées.

Les migrants ne sont pas dupes

Selon Simon Mastrangelo, les migrants ne sont pas dupes: "Ils estiment que [quitter leur pays ] est pour eux la moins mauvaise option. Ils disent parfois qu'il vaut mieux risquer de mourir et d'être mangé par les poissons, plutôt que par les vers de leurs pays".

Les représentations positives sur les réseaux sociaux ne les amènent pas à s'imaginer qu'ils se dirigent vers un eldorado, mais, leur quête de dignité leur permet de rêver à une autre existence, décrit l'anthropologue.

Cette année, plus de 2000 hommes, femmes et enfants sont morts ou ont disparu sur les routes de la migration, dépassant d'ores et déjà le bilan de 2020.

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Sujet radio: Miruna Coca-Cozma

Adaptation web: Miroslav Mares

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