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Les étudiantes afghanes de l’institut médical Ghazanfar en sursis

Les étudiantes en Afghanistan de l’institut médical Ghazanfar en sursis: interview de Margot Davier
Les étudiantes en Afghanistan de l’institut médical Ghazanfar en sursis: interview de Margot Davier / La Matinale / 5 min. / le 25 septembre 2023
Depuis le retour des talibans en Afghanistan, les ONG se retirent progressivement du pays ou revoient leurs offres à la baisse. Le CICR a par exemple mis un terme à son programme de résilience hospitalière lancé en 2021, remettant en question le bon fonctionnement de l'institut Ghazanfar qui forme des centaines de jeunes filles aux métiers paramédicaux.

Malgré le retour au pouvoir des talibans, les femmes sont toujours très présentes dans le secteur de la santé en Afghanistan. Elles exercent en tant que sages-femmes, infirmières ou médecins. Elles ne s'occupent pas exclusivement de patientes, mais reçoivent aussi des patients. Et elles peuvent toujours travailler pour des organisations non-gouvernementales dans le secteur de la santé, comme Médecins sans frontières (MSF).

Si les femmes déjà en poste ne rencontrent pas ou peu de problèmes pour exercer, la situation de celles qui étaient en formation est différente. En effet, pour la plupart, elles n'ont pas pu passer leurs examens, ni être diplômées.

Aujourd'hui, il n'y a que l'Institut Ghazanfar à Kaboul qui leur permet encore d'achever une formation dans le secteur de la santé. Or, le cursus de cet institut est désormais remis en question. Et c'est plus particulièrement son internat accueillant des centaines de jeunes filles venues de régions souvent très isolées qui pourrait bientôt disparaître.

Programme de résilience hospitalière lancé en 2021

Jusqu'au mois dernier, le CICR finançait le programme de résilience hospitalière lancé en novembre 2021. Ce plan prenait en charge les coûts de fonctionnement de trente-trois hôpitaux, ainsi  que de l'internat de l'Institut Ghazanfar. Mais depuis le mois dernier, le gouvernement ne peut plus compter sur le soutien du CICR. Selon plusieurs sources, le nouveau budget serait réduit de moitié. Par conséquence, des coupures dans les financements sont à prévoir, et celui de l'internat pourrait passer à la trappe.

Si le foyer ferme, Narges Rahmani n'a nulle part où aller. A 18 ans, elle étudie à l'Institut Ghazanfar pour devenir dentiste. "Je suis si heureuse! Mon examen s'est super bien passé! Je suis heureuse!", se réjouit-elle au micro de La Matinale. La malicieuse jeune fille se rappelle des deux années passées. "J'ai perdu espoir. J'avais l'impression que le monde était devenu très sombre autour de moi. Je n'arrivais pas à penser à mon futur, à ce que je devais faire."

A l'étage, la professeure Nafisa termine une leçon d'anatomie. Ses élèves viennent de régions si éloignées qu'il n'y a aucun transport. "Certaines viennent d'une province avec des routes en mauvais état, où seuls les ânes peuvent circuler. Les étudiantes ont de réelles ambitions mais elles n'ont aucun endroit où étudier, ni matériel. En tant que mères, comment pouvons-nous avoir de l'espoir?", s'interroge-t-elle.

Cette province, le Badakhshan, manque de personnel médical. Toutes les filles du foyer comptent rentrer chez elles une fois leur cursus terminé pour pallier les besoins. Que se passerait-il si elles ne peuvent plus étudier? "Dans ces provinces loin de tout, plein d'enfants ont un super potentiel et leurs parents tentent tout pour qu'elles étudient. Mais le gouvernement est sourd à nos problèmes", déplore-t-elle.

Pessimiste, la professeure Nafisa compte quitter l'Institut si le gouvernement ne peut plus la payer.

Conséquences sur l'ensemble du secteur

Le CICR ne se retire pas complètement d'Afghanistan, mais l'arrêt de ce programme de résilience hospitalière risque d'avoir des conséquences dramatiques pour l'ensemble de la population. Et ce, bien au-delà du seul Institut Ghazanfar.

A l'hôpital Wazir-Akbar de Kaboul, on ne sait pas, par exemple, s'il sera encore possible à l'avenir de commander du matériel de base comme des compresses ou des antibiotiques. Quant aux médecins de plusieurs services de l'hôpital Indira-Ghandi dédié aux enfants, lui aussi situé à Kaboul, ils ne reçoivent pour l'heure plus qu'un tiers de leur ancien salaire. Ils menacent dès lors de démissionner si leurs salaires ne sont pas réévalués.

Margot Davier/fgn

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