Le meurtre d'un policier kosovar albanais, tué la semaine dernière dans une embuscade par un commando paramilitaire et la fusillade qui s'en est suivie toute la journée ont fait remonter à la surface des années de méfiance et d'amertume.
Ces tensions placent la communauté internationale dans une situation difficile. Vendredi, les Etats-Unis ont mis en garde sur "un important déploiement militaire serbe le long de la frontière avec le Kosovo" et ont appelé la "Serbie à retirer (ses) troupes".
Les Européens évoquent même des mesures de rétorsion si la Serbie ne fournit pas d'explications à propos de l'attaque au Kosovo du week-end dernier.
En même temps, les autorités de la Serbie et celles de son ancienne province - dont Belgrade ne reconnaît pas l'indépendance proclamée en 2008 -, se sont livrées à une guerre des mots et d'accusations qui risque d'éloigner davantage leurs positions dans un dialogue voulu par Bruxelles.
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Collection d'armes et munitions
Cette attaque, à l'objectif toujours mystérieux, a été menée par des paramilitaires serbes. Ils avaient installé une barricade dans le village de Banjska, dans le nord du Kosovo, une zone où les Serbes sont majoritaires.
Un tiers des quelque 120'000 Serbes du Kosovo (1,8 million d'habitants) vivent dans cette région frontalière de la Serbie. Soutenus par Belgrade, ils refusent toute allégeance au gouvernement du Kosovo.
Trois des attaquants ont été tués par la police. Le reste du commando s'est replié dans un monastère proche. La police a trouvé sur place une impressionnante quantité d'armes et de munitions provenant de Serbie, suffisante, selon Pristina, pour équiper des "centaines de combattants".
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Depuis, Pristina accuse Belgrade d'être derrière l'attaque, ce que Belgrade réfute. Washington et Bruxelles attendent donc des explications du président serbe avant d'éventuellement prendre la décision de sanctionner le pays.
"Rêve de liberté"
Albin Kurti, le Premier ministre kosovar, tire à boulets rouges sur le président serbe Aleksandar Vučić, qu'il accuse d'être l'instigateur de l'attaque, ce que Belgrade réfute.
Vendredi, Milan Radoicic, un Serbe qui a fui le nord du Kosovo il y a plusieurs années après y avoir été accusé de meurtre et qui s'est reconverti dans les affaires en Serbie, a revendiqué l'action, exonérant au passage les autorités serbes.
Il a affirmé, par la voie d'un avocat, avoir organisé le commando à l'insu de Belgrade, avec l'objectif "de créer les conditions pour réaliser le rêve de liberté de (son) peuple dans le nord du Kosovo".
Milan Radoicic a pendant longtemps organisé pour le compte de Belgrade des barricades lors des crises à répétition du nord du Kosovo, ce qui le rend peu crédible.
Quelle responsabilité de la Serbie?
Pourtant, certains indices font penser qu'Aleksandar Vučić n'était peut-être pas au courant de l'attaque.
Depuis la reprise des négociations entre Belgrade et Pristina, Albin Kurti a refusé tout compromis, au point d'avoir perdu la confiance de Bruxelles et Washington. Le Kosovo s'était même vu imposer des sanctions symboliques.
Mais depuis l'attaque, la situation est inversée. Belgrade a perdu beaucoup de crédibilité, tandis que le Kosovo a récupéré son rôle de victime.
Ensuite, le gouvernement serbe a été lent à réagir à l'attaque, montrant une impréparation évidente. Mais même si le gouvernement serbe n'était pas au courant, la situation reste grave puisqu'elle prouverait que la Serbie est incapable de contrôler les relais qu'elle a elle-même mis en place au nord du Kosovo.
Des mois de tensions
Les habitants essentiellement albanais de la capitale, Pristina, rejettent, comme le gouvernement kosovar, la responsabilité des dernières violences sur Belgrade.
"La Serbie est responsable de ce qui s'est passé. La réconciliation avec les Serbes dans le nord est possible. Pourquoi ne pas vivre ensemble? Mais ils ne veulent pas", dénonce Mevluda Hoxha, une Albanaise de 64 ans.
Les dernières discussions à Bruxelles en septembre ont débouché sur un échec.
Alors que la partie serbe souhaite obtenir une forme d'association des municipalités serbes dans le nord, à savoir une certaine autonomie, la partie kosovare réclame avant toute discussion la reconnaissance par Belgrade de l'indépendance du Kosovo.
Dans le nord du Kosovo, régulièrement secoué, les tensions s'étaient nettement attisées en mai lorsque Pristina a décidé d'installer dans quatre municipalités à majorité serbe des maires albanais élus lors d'un scrutin boycotté par les Serbes.
Les Serbes étaient alors descendus dans la rue pour empêcher les nouveaux édiles d'exercer leurs fonctions. Des dizaines de membres de la force de l'Otan au Kosovo (Kfor) ont été blessés dans des affrontements avec les manifestants.
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Sujet radio: Laurent Rouy
Adaptation web: edel avec afp
Le contingent de la Swisscoy ne devrait pas augmenter
Suite aux récentes tensions à Banjska, ville à majorité serbe du nord du Kosovo, la Suisse ne prévoit pas d'augmenter les troupes de la Swisscoy au Kosovo. La force de maintien de la paix de l'OTAN, la KFOR, devrait en revanche voir ses effectifs renforcés.
Aucune augmentation du contingent suisse n'est prévue à la suite des récents événements, a indiqué dimanche le Centre de compétences de l'Armée suisse pour la promotion de la paix dans le cadre d'opérations internationales (Swissint) à Keystone-ATS. La sécurité des soldats revêt la plus haute priorité et passe avant les besoins opérationnels. Pour l'instant, rien n'indique que la sécurité n'est pas garantie.
Les membres de la Swisscoy, rattachés à la KFOR, contribuent de diverses manières à la mission de paix multinationale. Ils assurent notamment le maintien d'un environnement sûr et stable ainsi que la liberté de mouvement de tous les citoyens et de la KFOR. Les soldats sont déployés sur différents sites. La localité de Banjska se trouve hors des zones de compétence suisse, a indiqué Swissint.
La Suisse participe depuis 1999 à la mission internationale de promotion de la paix (KFOR) de l'OTAN au Kosovo. Actuellement, l'effectif maximal de la Swisscoy est de 195 militaires.