"L'expansion et la modernisation des BRICS est un message selon lequel toutes les institutions mondiales doivent être adaptées à l'évolution des temps". Ce voeu formulé par le Premier ministre indien Narendra Modi, après l'annonce de l'élargissement des BRICS à six nouveaux membres, sonne comme un avertissement.
Crée à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, l'ONU reflète la situation politique de l'époque, en donnant plus de pouvoir aux cinq membres permanents de son Conseil de sécurité: les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Russie et la Chine. Le FMI et la Banque mondiale, fondés par les accords de Bretton Woods de 1944, sont aussi des fiefs occidentaux. Depuis leur création, le FMI est en mains européennes et la Banque mondiale en mains américaines. En accueillant de nouveaux membres, les BRICS espèrent renforcer leur poids sur la scène internationale.
Les BRICS - pour Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud (South Africa en anglais) - ont invité le 24 août l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, l'Iran, l'Egypte, l'Ethiopie et l'Argentine à les rejoindre. Ce club passera ainsi de six à onze membres qui représenteront plus de la moitié de la population mondiale et 29% du PIB de la planète. Grâce à l'intégration de l'Arabie saoudite, des Emirats arabes unis et de l'Iran, les BRICS totaliseront aussi 43% de la production de pétrole.
Le "contre-club"
Cet élargissement montre "la volonté des BRICS de peser davantage dans l'ordre mondial en créant des alliances, des coalitions, en grossissant et en amenant avec eux une masse critique d'États pour contrebalancer le poids occidental. Et effectivement, c'est la Chine qui est en tête de gondole de cette stratégie", analyse Joan Deas, directrice de l'Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO) et invitée de Géopolitis.
Pour la chercheuse, les BRICS sont en quelque sorte un "contre-club" face au G7 qui regroupe l'Allemagne, le Canada, les Etats-Unis, la France, l'Italie, le Japon et le Royaume-Uni. Cette ambition séduit. En plus des six nouveaux membres invités, seize autres pays souhaitent rejoindre les BRICS. "C'est un élargissement qui dit le pouvoir d'attraction et de séduction du groupe par rapport aux pays du Sud global qui effectivement voient progressivement le modèle BRICS qui est en train de se développer comme un modèle alternatif à l'ordre libéral occidental actuel (...) qui leur a plutôt été imposé et qu'ils ont dû suivre par défaut", estime Joan Deas. Mais les BRICS ont aussi leurs faiblesses et restent divisés sur le rôle qu'ils entendent faire jouer à leur club sur la scène internationale.
Divisions et déséquilibres
"On a deux courants qui se dessinent dans le groupe BRICS", souligne Joan Deas. "On a à la fois un courant plutôt antioccidental qui inclut la Chine d’une certaine manière mais surtout la Russie et l'Iran qui sont deux pays sanctionnés par les Etats-Unis et l'Occident. (...) Après vous avez le courant plutôt réformiste, multi-aligné qui est mené plutôt par l'Inde et le Brésil, avec l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis et d'une certaine manière aussi l'Egypte. C'est un courant qui est composé de pays qui ont des intérêts stratégiques très forts avec les pays occidentaux."
Certains pays membres de BRICS entretiennent aussi des relations très tendues. La Chine et l’Inde étaient en état de guerre larvée il y a 3 ans pour une dispute frontalière dans l’Himalaya, avec 20 morts côté indien. Les pays des BRICS ont aussi des poids politiques et économiques très différents, entre la Chine, deuxième économie mondiale, et l'Afrique du Sud dont le PIB est équivalent à celui du Danemark. Ils devront aussi probablement trouver de nouveaux modes de coopération au fur et à mesure de leur élargissement. Aujourd'hui, les BRICS restent un club informel, sans secrétariat général et qui prend ses décisions par consensus.
Elsa Anghinolfi