Changer ou réaffirmer la doctrine catholique? Le Synode au Vatican se pose la question
Fruit d'une consultation des catholiques du monde entier pendant deux ans, cette réflexion de fond sur des thèmes sensibles - ordination des hommes mariés, lutte contre la pédocriminalité - est inédite dans l'histoire récente de l'Eglise, au point de voir ce rassemblement qualifié de "mini-concile".
Jusqu'au 29 octobre, 365 membres ayant le droit de vote et une centaine d'experts débattront chaque jour à huis clos pour livrer des propositions au pape François, qui aura toutefois le dernier mot sur leur éventuelle mise en oeuvre.
Les conservateurs prennent les devants
Avant même l'ouverture des travaux, la camp conservateur n'a pas hésité à monter lundi au créneau. Cinq cardinaux originaires d'Amérique, d'Afrique, d'Asie et d'Europe ont publiquement demandé au pape de réaffirmer la doctrine catholique sur les couples gays et l'ordination des femmes.
Cette interpellation, intitulée "Doutes" et assortie d'une lettre ouverte aux fidèles face au risque de "confusion" et d'"erreur", s'inscrit dans une série de réserves et critiques voyant dans ce synode un risque d'aliénation et de perte de repères.
Volonté de changement
Dans sa réponse, François semble ouvrir la voie à la bénédiction des couples de même sexe par des clercs, jusqu'ici non reconnue par le Saint-Siège mais pratiquée dans certains pays comme l'Allemagne et la Belgique.
Si le mariage demeure "une union exclusive, stable et indissoluble entre un homme et une femme", "nous ne pouvons pas être des juges qui ne font que nier, rejeter, exclure", a écrit François.
"La prudence pastorale doit donc discerner correctement s'il existe des formes de bénédiction, demandées par une ou plusieurs personnes, qui ne véhiculent pas une conception erronée du mariage", nuance-t-il.
Réformes de la gouvernance
Le synode a débuté à 09h00 par une messe place Saint-Pierre présidée par le souverain pontife, qui s'exprimera en milieu d'après-midi pour l'ouverture officielle des discussions.
Depuis son élection en 2013, l'évêque de Rome s'est attelé à réformer la gouvernance de l'Eglise, qu'il souhaite moins pyramidale et plus proche des fidèles, quitte à susciter de fortes résistances en interne.
Participation de femmes et de laïcs
Principale nouveauté pour cette 16e édition d'une institution consultative créée par Paul VI en 1965, des laïcs et 54 femmes prendront part aux travaux et pourront voter, une première qualifiée de "révolution".
Cette assemblée plénière sera suivie d'une seconde session en octobre 2024, ce qui rend moins probable un résultat concret à court terme. Les attentes restent toutefois fortes.
"Ce n'est a priori pas un exercice pour rien", estime mercredi dans Tout Un Monde Christine Pedotti, la directrice de la revue Témoignage chrétien. "Puisque le pape en est le commanditaire, on peut estimer qu'il prendra en compte les conclusions du synode", avance-t-elle. La journaliste et essayiste remarque toutefois que cette assemblée est un instrument certes puissant, mais qui reste malgré tout consultatif. Il faut donc attendre l'année prochaine pour connaître l'issue de ces discussions.
Préoccupation "unanime", selon un document
Un document préparatoire publié en juin par le Vatican a relevé une préoccupation "unanime" des catholiques concernant le rôle des femmes, mais aussi des "mesures concrètes pour atteindre les personnes qui se sentent exclues de l'Eglise en raison de leur affectivité et de leur sexualité (par exemple, les divorcés remariés, les personnes vivant dans des mariages polygames, les personnes LGBTQ+)".
Les consultations ont mis en exergue des visions divergentes parfois éloignées de celles du Vatican, notamment entre les Eglises allemande et américaine, allant jusqu'à faire craindre un schisme au sein de l'Eglise catholique et de ses 1,3 milliard de fidèles.
Appel à "marcher ensemble"
Dans une forme de mise en garde, le pape a exhorté samedi à "marcher ensemble", appelant le synode à être au-dessus "des bavardages, des idéologies et des polarisations".
Signe de la sensibilité du sujet, le Vatican a décidé de limiter la communication sur le contenu des débats, tranchant avec la transparence exigée dans les phases précédentes.
afp/ami