L'agence onusienne raconte dans ce rapport le traumatisme de Juana, qui avait neuf ans en 2020, quand la ville où elle vivait au Guatemala a été submergée par les eaux après les ouragans Eta et Iota. Ou l'histoire des jeunes soeurs Mia et Maia, qui ont vu leur mobile home détruit par les flammes en Californie.
"Nous avons emporté nos affaires sur l'autoroute où nous avons vécu pendant des semaines", décrit pour sa part Abdul Azim, enfant soudanais dont le village inondé en août 2022 n'était plus accessible que par bateau.
Rendre visibles les enfants
Les statistiques sur les déplacements internes liées aux désastres climatiques ne prennent généralement pas en compte les âges, mais l'UNICEF a travaillé notamment avec l'ONG Internal Displacement Monitoring Center pour désagréger les données et faire que les enfants ne soient plus "invisibles".
Entre 2016 et 2021, quatre types de catastrophes climatiques (inondations, tempêtes, sécheresses, incendies), dont la fréquence et l'intensité augmentent avec le réchauffement de la planète, ont entraîné 43,1 millions de déplacements d'enfants à l'intérieur de 44 pays, dont 95% liés aux inondations et aux tempêtes, selon le rapport.
20'000 déplacements par jour
"C'est l'équivalent d'environ 20'000 déplacements d'enfants par jour", indique Laura Healy, l'une des auteurs, soulignant que ces mineurs sont alors exposés à de multiples risques, de la possible séparation de leur famille aux réseaux de trafic d'enfants.
Ces données comptent formellement le nombre de déplacements d'enfants et non le nombre d'enfants déplacés, le même enfant pouvant notamment être déplacé plusieurs fois. Elles ne permettent pas de faire la différence entre des évacuations préalables et les déplacements à la suite de l'événement météorologique.
Et elles sous-estiment "radicalement" les déplacements liés aux sécheresses, survenant plus lentement et donc plus difficiles à surveiller, et n'incluent pas les migrations.
"C'est seulement la partie émergée de l'iceberg, basée sur les données disponibles. La réalité est qu'avec l'impact du changement climatique et un meilleur suivi des déplacements pour les événements météorologiques plus lents, le nombre d'enfants déracinés va être beaucoup plus grand", insiste Laura Healy.
Appel aux dirigeants
"Pour ceux qui sont obligés de fuir, la peur et les répercussions engendrées par de telles catastrophes peuvent être particulièrement dévastatrices, avec l'inquiétude de savoir s'ils pourront un jour rentrer chez eux, reprendre l'école ou s'ils seront contraints de partir à nouveau", souligne la patronne de l'UNICEF Catherine Russell dans un communiqué.
L'organisation appelle les dirigeants de la planète à se pencher sur cette question lors de la COP28 sur le climat à Dubaï dans quelques semaines. Il faut préparer ces enfants, y compris ceux qui sont déjà déracinés, "à vivre dans un monde où le climat a changé", souligne Laura Healy.
Même si les impacts grandissants du changement climatique frappent partout, le rapport pointe du doigt des zones particulièrement vulnérables.
ats/ami
Fragilité des nations insulaires et africaines
Dans le détail, les Philippines, l'Inde et la Chine sont les pays les plus touchés en nombre absolu (près 23 millions de déplacements d'enfants en 6 ans), en raison de leur très large population, de leur situation géographique, mais aussi de plans d'évacuation préventifs.
Mais en se penchant sur la proportion d'enfants déplacés, l'image met en lumière la vulnérabilité de l'Afrique et des îles. La Dominique a ainsi vu 76% de ses enfants déplacés en 6 ans, Cuba et Saint-Martin plus de 30%, Vanuatu 25%, les Philippines 23%.
Le rapport avance des projections très partielles, pour quelques événements spécifiques. Les inondations uniquement liées au débordement des rivières pourraient provoquer 96 millions de déplacements d'enfants dans les 30 prochaines années, les vents cycloniques 10,3 millions et les submersions marines liées aux tempêtes 7,2 millions. Ces données n'incluent pas les évacuations préventives.