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Pascal de Crousaz: "On pourrait voir une invasion terrestre de la bande de Gaza par Israël"

Le décryptage de Pascal de Crousaz, expert en relations internationales, sur la situation au Proche-Orient avec les nouveaux affrontements entre Israël et la Palestine
Le décryptage de Pascal de Crousaz, expert en relations internationales, sur la situation au Proche-Orient avec les nouveaux affrontements entre Israël et la Palestine / 12h45 / 6 min. / le 9 octobre 2023
Alors que Tel Aviv a annoncé lundi vouloir mettre en place "un siège complet" de la bande de Gaza, la possibilité d'une intervention militaire terrestre israélienne est évoquée. Invité du 12h45, Pascal de Crousaz, expert en relations internationales, juge ce scénario possible, bien qu'il comprenne des risques importants.

Israël pourrait-il décider d'écraser Gaza en réponse aux attaques terroristes du Hamas qui ont fait plusieurs centaines de morts sur son territoire? Pour Pascal de Crousaz, spécialiste du conflit israélo-palestinien, cette possibilité est en tout cas à prendre au sérieux.

"On pourrait voir une invasion terrestre de la bande de Gaza par Israël, parce que [le Premier ministre] Benjamin Netanyahu déclare vouloir éradiquer le Hamas. Mais c'est quelque chose de dangereux, notamment du fait des otages (le Hamas a kidnappé une centaine de personnes désormais prises en otage, ndlr) ", explique-t-il.

D'après Pascal de Crousaz, une intervention militaire massive pourrait également pousser le Hezbollah libanais à agir plus franchement. "Le Hezbollah reste un peu l'arme au pied. Il y a eu quelques tirs de roquettes sur une zone contestée aux confins du Golan mais pas de quoi allumer le baril de poudre. Si Gaza devait être complètement écrasée avec des exactions, le Hezbollah serait dans une position plus délicate de ne pas intervenir", précise-t-il.

"Même Israël s’est laissé prendre au piège"

Questionné sur l'effet de surprise de l'attaque massive du Hamas samedi, Pascal de Crousaz se dit surtout étonné par son intensité. "On voyait bien d'une certaine manière que la politique d'accélération de la colonisation menée au sein du gouvernement israélien laissait peu d'espoir politique aux Palestiniens. Il y avait quelque chose de latent, mais de là à une crise d'une telle violence, c'était une grosse surprise", concède-t-il.

Pour l'expert, le Hamas avait réussi à devenir presque fréquentable aux yeux de beaucoup, loin des scènes d'horreurs de ce week-end.

"Après ses débuts terroristes des années 1990 avec les attentats kamikazes pour saborder le processus de paix, le Hamas a semblé se modérer. Il a changé sa charte et a semblé devenir une puissance de statu quo. Même Israël avait remarqué qu'en mai, le Hamas n'avait pas joint le Djihad islamique dans les affrontements. Donc même Israël s'est laissé prendre au piège d'un Hamas qui semblait devenir un acteur responsable", analyse-t-il.

Preuve d'un certain aveuglement, le 1er octobre dernier, le conseiller à la sécurité nationale d'Israël, Tzachi Hanegbi, affirmait ainsi que le Hamas n'avait, ces deux dernières années, initié selon lui aucun tir de roquette. "Le Hamas fait preuve d'une grande retenue" et connaît le prix d'une éventuelle escalade, a-t-il dit à la radio militaire.

De retour sur la scène médiatique

Pascal de Crousaz estime enfin que ces événements marquent le véritable retour d'un conflit qui avait disparu de la sphère médiatique. "On avait presque acté que c’était non seulement un conflit oublié mais aussi un conflit soldé par la défaite silencieuse des Palestiniens qui n’avaient plus qu'à accepter leur sort et devenir un jour - qui sait - comme les Indiens d’Amérique, sauf que privés de droit de vote par Israël d’une part, et par l’Autorité palestinienne qui ne convoque plus d’élections", explique-t-il.

Pour le spécialiste, ces événements ultra-violents rappellent donc au monde que ce conflit existe et met aussi dans l'embarras certains gouvernements arabes qui se rapprochaient d'une normalisation de leurs relations avec Tel Aviv, essentiellement Riyad, gardien des deux plus importants lieux saints de l'islam.

Quant à l'Europe, elle avait jusqu'alors la volonté de ne plus surexposer ce conflit. "Il y avait peut-être la peur qu'il s'importe et vienne se greffer de manière toxique sur des débats sociaux et politiques internes, que ce soit l'immigration, la religion et qu'il exacerbe des tensions sociales déjà existantes dans certains pays européens", conclut Pascal de Crousaz.

Propos recueillis par: Silvia Garcia

Adaptation web: Tristan Hertig

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