Damas accusé de torture devant la plus haute juridiction de l'ONU, un "tournant"

Vue sur la ville de Damas (image d'illustration). [AFP - Muhammed Khair/Anadolu Agency]
Damas accusé de torture devant la plus haute juridiction de l'ONU, un "tournant" / Le Journal horaire / 41 sec. / le 10 octobre 2023
Le régime de Damas est jugé mardi par la Cour internationale de justice (CIJ), principal organe judiciaire de l'ONU installé à La Haye, devant lequel il devra répondre d'accusations de torture sur des dizaines de milliers de personnes depuis 2011.

Si des responsables syriens ont déjà fait l'objet d'actions en justice dans plusieurs pays, dont l'Allemagne et la France, c'est la première fois que la justice internationale est amenée à se prononcer sur les exactions du régime durant la guerre civile.

Les victimes ont enduré "une douleur et des souffrances physiques et mentales inimaginables" en raison de "traitements odieux en détention, de conditions de détention inhumaines, et des violences sexuelles et basées sur le genre", affirment dans leur requête le Canada et les Pays-Bas, qui ont saisi en juin la CIJ.

"Chaque jour compte (...) Des gens en Syrie, qui sont actuellement emprisonnées ou qui risquent de l'être, ne peuvent pas se permettre d'attendre plus longtemps", a plaidé devant la Cour le principal représentant des Pays-Bas Rene Lefeber.

Système de torture "omniprésent"

Les deux pays demandent à la Cour d'exiger "de toute urgence" que la Syrie mette fin à toute torture et détention arbitraire, ouvre les prisons aux inspecteurs extérieurs et informe les familles sur le sort de leurs proches.

Selon eux, la Syrie maintient un système de torture "omniprésent". Damas, absent pour le premier jour d'audience, a qualifié ces accusations de "désinformation et mensonges". 

Le principal représentant du Canada Alan Kessel a déclaré à la presse que "le gouvernement Assad" devait "réagir et arrêter la torture qui est omniprésente dans ce pays".

"Mesures conservatoires"

"Nous avons tendu un miroir aux Syriens. Ils devraient se regarder dedans", a-t-il ajouté, toujours devant les journalistes.

Lors de l'audience mardi, la CIJ, qui compte 15 juges, entendra des représentants du Canada et des Pays-Bas, puis ceux du gouvernement syrien.

Sa décision, qui ne devrait pas intervenir avant plusieurs semaines, pourrait donner lieu à des "mesures conservatoires", appelant "les parties à s'abstenir de tout acte qui pourrait atténuer l'efficacité d'une décision ultérieure des juges sur le fond du dossier".

Risque imminent de mort

Si les jugements de la CIJ sont juridiquement contraignants, elle n'a aucun pouvoir pour les faire appliquer.

Ahmad Helmi, aujourd'hui militant des droits humains qui se bat contre la torture et les disparitions forcées dans son pays, a été en prison durant trois ans à partir de 2012.

Selon la requête des Pays-Bas et du Canada, les détenus qui croupissent actuellement dans les prisons syriennes encourent "un risque imminent de mort ou de graves dommages physiques ou mentaux".

La requête dénonce également des viols généralisés de femmes et d'enfants, des mutilations, des décapitations, ainsi que l'utilisation "particulièrement odieuse" d'armes chimiques contre les civils.

Décision de justice nécessaire

Pour Balkees Jarrah, directrice du programme de justice internationale au sein de l'ONG Human Rights Watch, une décision de justice est nécessaire "pour empêcher de nouveaux abus contre les Syriens, qui continuent de souffrir dans des conditions cauchemardesques et dont la vie est sérieusement menacée".

Pour l'ONG, l'affaire devant la CIJ est un "tournant".

Au nom de la compétence universelle, des individus ont déjà été condamnés ou poursuivis dans certains pays pour des crimes de guerre commis en Syrie, mais les capitales occidentales sont depuis longtemps frustrées par l'absence de poursuites devant la justice internationale.

afp/hkr

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