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Secousses sismiques, simulation d'évacuation: l'inquiétude croît vers le supervolcan de Naples

Des personnes observent les fumerolles des Champs Phlégréens. [AFP - Alberto Pizzoli]
Reportage à Naples où de fortes secousses sismiques inquiètent la population / Tout un monde / 4 min. / le 11 octobre 2023
C'est actuellement la région volcanique en activité la plus dangereuse d'Europe. Située dans le nord-ouest de Naples, la zone des Champs phlégréens est depuis plusieurs semaines l'objet de fortes secousses sismiques, ce qui inquiète la population. Reportage.

"Ça continue, tous les jours. Dites-nous ce que l'on doit faire, parce que dans ces conditions, on ne peut pas rester ici, au-dessus. Les secousses sont toujours plus fortes et fréquentes, en continu. Je ne sais plus depuis combien de mois je ne dors plus. Mais je ne suis pas la seule, pour tout le monde c'est pareil. Plus personne ne dort à l’intérieur des maisons", témoigne mercredi dans Tout un monde Enza, une habitante qui vit sur le volcan de la Solfatara à Pozzuoli.

De la fumée s'échappe d'un cratère des "champs phlégréens" près d'immeubles d'habitation. [AFP - Albert Pizzoli]
De la fumée s'échappe d'un cratère des "champs phlégréens" près d'immeubles d'habitation. [AFP - Albert Pizzoli]

La cause de cette crainte: l'augmentation de l'activité dans la zone des Champs phlégréens, un terme provenant du grec et signifiant les "champs brûlants". Au cours du mois d'août, cette zone de 15 kilomètres sur 12 a encaissé environ 1000 secousses sismiques, la plupart de petite intensité. Mais il y dix jours, un tremblement a tout de même atteint une magnitude de 4,2, le plus fort depuis quarante ans.

Des fumerolles dans la ville

Par mesure de sécurité, l'école a été fermée. Mais dans ce quartier populaire, les habitants ne savent pas où aller. Alors ils continuent de vivre dans l'inquiétude et guettent l'activité du volcan de la Solfatara, l'un des septante de la zone et qui fume sous leurs pieds.

"En pratique, les gens vivent sur les versants et sur la croûte principale du volcan. Le quartier est populaire", raconte Alessandro Elia, avant de pointer du doigt de la fumée qui s'échappe du sol. "Regardez, on appelle ça des fumerolles. On voit toute l'activité volcanique, la terre qui bout, on sent l'odeur du soufre."

>> Lire aussi : Un super volcan italien menace de se réveiller près de Naples

La terre poussée vers le haut

Plus loin, au bord de la mer, c'est l'étonnante impression de voir le niveau de l'eau baisser qui inquiète la population. Les bateaux, les rochers, tout le village, sont en réalité poussés vers le haut par l’énorme quantité de magma et de gaz relâchée par le volcan.

Dans ce port, le niveau de l'eau semble avoir baissé. Les bateaux, les rochers, tout le village, sont en réalité poussés vers le haut par l’énorme quantité de magma et de gaz. [AFP - Alberto Pizzoli]
Dans ce port, le niveau de l'eau semble avoir baissé. Les bateaux, les rochers, tout le village, sont en réalité poussés vers le haut par l’énorme quantité de magma et de gaz. [AFP - Alberto Pizzoli]

"Nous passons actuellement de la phase élastique à la phase inélastique. Si je prends un bâton et que je le plie, il a d'abord une phase élastique dans laquelle il se plie. Et quand je le lâche, ça revient. Si je le plie davantage, il commence à craquer, j'entends les craquements", image dans le 12h45 Nicola Alessandro, sismologue.

Dans le cas des Champs phlégréens, la branche qui craque serait la croûte terrestre qui se brise. Ce phénomène s’était déjà produit dans les années 1970 et 1980. Le sol s'était soulevé de près d'un mètre, comme aujourd'hui, avant de s’affaisser à nouveau. Mais désormais, la pression augmente toujours plus.

"Cela signifie que la croûte est plus susceptible de se briser. Mais ça ne veut pas dire que nous nous dirigeons nécessairement vers une éruption conduisant à un événement catastrophique", nuance Nicola Alessandro.

Un supervolcan sous surveillance

Le risque est toutefois pris très au sérieux par les sismologues. À l'Institut national de géophysique et volcanologie, l'activité du supervolcan est mesurée en permanence afin que la population puisse être avertie en cas d'urgence.

"Si les appareils de mesure sismique indiquent des oscillations fortes ou fréquentes, nous le signalons. La protection civile est alors immédiatement informée et des messages d'alarme sont automatiquement envoyés", détaille le directeur Mauro Di Vito, qui pense qu'une grande éruption comme celle de 1538 est toutefois peu problable.

"Nous sommes sûrs que la phase sismique va se pouruivre. Elle ne sera pas beaucoup plus forte en terme de magnitude que celle à laquelle nous avons assisté. Mais nous avons la certitude que les tremblements de terre continuerons et avec eux la déformation du sol".

Dans toute la zone des Champs Phlégréens, on parle de plus de 500'000 habitants. C'est beaucoup

Alessandro Elia, habitant de la région

Pour l'heure, les secousses sismiques n'ont provoqué ni blessés, ni dégâts matériels. Mais peu profondes, elles sont fortement ressenties par la population. Avec, pour les autorités, l'énorme difficulté de gérer le stress des populations et de prévoir d'éventuelles évacuations dans un tissu urbain extrêmement dense et embouteillé.

"Les gens ont peur. Mais le problème, c'est où aller? Ce n'est pas facile. Dans toute la zone des Champs phlégréens, on parle de plus de 500'000 habitants. C'est beaucoup", relève Alessandro Elia.

>> Voir le reportage du 19h30 :

Les lacunes dans le plan d’évacuation de la population vivant près du volcan des champs Phlégréens inquiètent les spécialistes après les fortes secousses sismiques subies
Les lacunes dans le plan d’évacuation de la population vivant près du volcan des champs Phlégréens inquiètent les spécialistes après les fortes secousses sismiques subies / 19h30 / 2 min. / le 23 octobre 2023

Le scénario d'une évacuation massive

Le gouvernement italien envisage d'ailleurs une éventuelle évacuation massive des dizaines de milliers de personnes vivant autour du supervolcan, ont annoncé début octobre des responsables.

Car les plans d'évacuation existent. La zone à risque est divisée en sections qui sont chacune jumelées avec une région italienne qui accueillera les évacués en cas de catastrophe.

Pour se préparer, les autorités organisent régulièrement des exercices. "Ce ne que nous avons testé aujourd'hui, c'est un plan d'afflux massif. Tous les centres d’urgence territoriale ont augmenté le niveau de l’alerte et, par conséquent, des équipes supplémentaires ont été activées. Nous sommes très sensibles à ce qui se passe et nous voulons nous tenir prêts à tout changement d’afflux", précise dans Tout un monde mercredi Luigi Langella, directeur local des services d'urgence.

Les autorités assurent qu'il s'agit d'exercices de routine. Mais les opérations de simulation d'évacuation dans les hôpitaux de la zone volcanique des Champs phlégréens ne contribuent pas forcément à rassurer la population. "Nous sommes toujours sur le qui-vive", conclut Enza.

Reportage radio: Eric Jozsef
Sujet TV: Claire Eckersley
Texte web: Victorien Kissling

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Une caldeira formée il y a des dizaines de milliers d'années

Le volcan, qui s'étend sur un périmètre de 15 km sur 12, présente une dépression à fond plat laissée par deux importantes éruptions. Il y a environ 40'000 ans, la première éruption a été la plus puissante jamais enregistrée dans la zone méditerranéenne et a affecté le climat mondial. Pour certains, elle pourrait même être à l'origine de la disparition de l'homme de Néandertal.

Une deuxième série d'explosions a eu lieu il y a environ 14'000 ans, recouvrant la région de 10 à 30 km3 de matériel volcanique.

L'éruption la plus récente a eu lieu le 29 septembre 1538 et a donné naissance au Monte Nuovo, un monticule de cendres et de ponces de 130 mètres de hauteur.

Une résurgence de l'activité volcanique au début des années 1980 avait entraîné l'évacuation de 40'000 habitants. Aujourd'hui, les Champs phlégréens sont la caldeira en activité la plus vaste d'Europe.