Delphine Horvilleur: "Nous avons un devoir moral de ne pas ajouter de la haine à la haine"
"Ce qui s'est produit est une attaque contre l'humanité", déclare Delphine Horvilleur, vendredi dans le 19h30. Elle souligne l'importance de ne pas voir ces actes comme le résultat d'un conflit entre camps rivaux, mais comme une menace à l'encontre de l'ensemble de l'humanité.
"Chacun d'entre nous peut et doit se sentir touché par les crimes dont nous sommes témoins. C'est l'humanité elle-même qui est attaquée, et non un camp en particulier", ajoute-t-elle.
"Je ne sais pas s'il s'agit d'un tournant, mais c'est une étape particulière dans l'horreur", exprime-t-elle aussi.
Pour Delphine Horvilleur, il est impératif que les discours tenus en réponse à cette violence soient "extrêmement pensés et mesurés", en particulier lorsqu'il s'agit d'attribuer la responsabilité.
"Préserver notre humanité"
Elle souligne que la responsabilité première incombe aux assassins et aux criminels, soulignant que quelle que soit la cause, même si elle semble légitime, rien ne justifie les atrocités telles que l'assassinat d'enfants, les viols ou les horreurs perpétrées.
Delphine Horvilleur insiste sur la nécessité d'une unité collective, indépendamment des affiliations politiques ou religieuses. "Il faut être capable tous ensemble, quelle que soit notre sensibilité, de dénoncer ce que l'on a vu et de se demander comment, au coeur de ce séisme et de ce chaos, on préserve notre humanité."
Dénoncer l'"importation" du conflit
La rabbin évoque également la peur, "malheureusement habituelle", ressentie par la communauté juive en France, qui a souvent été exposée aux conséquences des tensions au Proche-Orient, par le biais d'"importations" du conflit sur les terres européennes.
Elle note que certaines personnes semblent attendre ces tensions. "Ils veulent 'jouer" les petits 'Rambo' et reproduire ce qu'ils imaginent être la bravoure des combattants sur place", dit-elle.
Delphine Horvilleur met en garde contre la tentation de se désintéresser en considérant que ce conflit ne concerne que les uns ou les autres. "Il ne faut pas tomber dans une faille emphatique", souligne-t-elle. Elle rappelle que le terrorisme est une menace qui peut toucher "chacun d'entre nous, qui que nous soyons".
"Le sol se dérobe" sous l'optimisme
La rabbin évoque son soutien au droit d'Israël à l'existence et à la sécurité, mais aussi aux droits des Palestiniens à l'autodétermination. "Au coeur de cet optimisme, qui a toujours été le mien, j'ai l'impression que le sol se dérobe."
Elle exprime son inquiétude quant à la perspective de paix. "J'ai l'impression que ma génération ne verra pas la paix. Mais je crains que celle de mes enfants, voire de mes petits-enfants, non plus."
Et d'ajouter: "Il y a un niveau de haine et de rage qui est incroyable au Proche-Orient. C'est précisément parce que cette rage est terrible sur place que je considère que nous, ici, à distance, avons un devoir moral de ne pas ajouter de la haine à la haine. Au contraire, nous devons rester fidèles à notre humanité et à notre pleine empathie."
Propos recueillis par Jennifer Covo
Adaptation web: Valentin Jordil