Une météo défavorable. Voilà ce qui aurait officiellement retardé l'intervention terrestre massive d'Israël dans la bande de Gaza le week-end dernier. S'exprimant sous couvert d'anonymat, plusieurs officiers israéliens ont expliqué au New York Times qu'un ciel nébuleux accompagné de pluies passagères mais parfois intenses ont forcé le report des opérations.
Les conditions météorologiques auraient rendu plus difficile l'appui aérien de drones, d'avions et d'hélicoptères pour les forces au sol, ont précisé ces officiers. Des pluies passagères qui continueraient cette semaine à rendre incertain le début de l'offensive.
Selon la société météorologique jordanienne Arabia Weather, le risque d'averses et de brouillard nocturne devrait en effet se poursuivre jusqu'à jeudi.
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La guerre des tunnels
Mais si les nuages et la pluie peuvent avoir un véritable impact militaire, limitant également la précision de certaines armes ou ralentissant possiblement les chars israéliens du fait de la boue, le temps supplémentaire pris par Tsahal serait surtout dû à la complexité d'une telle opération.
Interrogé mardi dans le quotidien français Le Figaro, Stéphane Audrand, consultant en risques internationaux, estime que la météo est un bon "prétexte" pour gagner du temps afin d'affiner les préparatifs.
La dernière opération terrestre à Gaza de l'armée israélienne remonte à près de 10 ans. En 2014, Tsahal avait pénétré dans l'enclave palestinienne pendant un mois et demi, cherchant officiellement à détruire les tunnels du Hamas reliant la bande de Gaza au territoire israélien, avant qu'un cessez-le-feu ne soit trouvé et qu'elle se retire.
Annoncée comme étant d'une ampleur tout à fait différente, car vouée à "éradiquer complètement le Hamas", selon les propres termes du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, l'offensive terrestre à venir s'annonce particulièrement périlleuse, d'autant plus qu'elle n'était pas du tout prévue avant les attaques meurtrières du Hamas sur le territoire de l'Etat hébreu le 7 octobre dernier.
A l'inverse, le Hamas ne pouvait pas ignorer qu'il susciterait une telle réaction de la part de Tel Aviv après ses attaques. Il a donc vraisemblablement pu se préparer à Gaza.
Les officiers israéliens interrogés par le New York Times estiment qu'il y a des dizaines de milliers d'hommes armés du Hamas retranchés dans des centaines de kilomètres de tunnels, galeries et autres bunkers sous la ville de Gaza et aux alentours, au nord du territoire palestinien. Parmi les dangers évoqués par ces dirigeants militaires israéliens, ceux de tunnels piégés, prêts à exploser au passage des troupes, d'explosifs placés sur des bâtiments ou encore d'embuscades aux sorties de tunnels non répertoriées par le renseignement israélien.
Le temps additionnel pris par les forces israéliennes avant de lancer l'assaut aurait donc également servi à effectuer des formations au sein des troupes, notamment les réservistes. Selon le colonel Golan Vach, les frappes aériennes massives effectuées par l'armée israélienne ont aussi passablement transformé les lieux où opéreront les soldats. Les troupes reçoivent donc des entraînements spécifiques pour combattre dans cet environnement urbain en ruines.
Toujours selon les officiers rencontrés par le New York Times, les règles de l'armée israélienne auraient par ailleurs été assouplies pour permettre aux soldats d'effectuer moins de vérifications avant d'engager des tirs avec l'ennemi.
Des combats au milieu des civils
Plus globalement, comme dans toute offensive, l'armée israélienne serait à la recherche d'un effet de surprise. La conception de plans précis prendrait donc plus de temps face à un Hamas préparé à une offensive.
A cela s'ajoute bien sûr la présence de nombreux civils dans la zone. Officiellement, Tel Aviv a demandé aux Palestiniens et Palestiniennes de la bande de Gaza de se retirer du nord de l'enclave pour éviter les dommages collatéraux. Les délais supplémentaires accordés avant le début de l'offensive auraient donc aussi servi à réduire les pertes parmi les civils.
Des précautions qui ne suffiront quoi qu'il en soit pas à éviter des morts au sein de la population palestinienne: plus de 2 millions de personnes réparties sur 365 km2 de territoire. La campagne de bombardements aériens massifs le montre déjà avec de nombreuses personnes tuées au cours des frappes israéliennes. Pour Tel Aviv, un trop grand nombre de morts civils pourrait d'ailleurs avoir comme conséquence la perte partielle ou totale de soutien d'alliés occidentaux, comme les Etats-Unis.
Le facteur otages
L'offensive terrestre à venir devra aussi prendre en compte le facteur otages. Près de 200 personnes ont été enlevées et emmenées dans la bande de Gaza au cours des assauts du 7 octobre dernier en Israël.
Tel Aviv avait auparavant été jusqu'à échanger un otage israélien pour 1000 prisonniers palestiniens. La méthode apparaît ici inapplicable mais l'armée israélienne devra faire ce qu'elle peut pour en ramener le maximum possible, surtout que nombre d'entre eux sont des binationaux. Une épée de Damoclès en plus pour cette intervention hautement risquée.
Le "retard" pris dans le déclenchement de l'opération terrestre serait donc aussi dû au temps nécessaire pour le renseignement israélien de tenter de localiser ces personnes et de concevoir ensuite des plans opérationnels pour les libérer.
Enfin s'ajoute à cela le risque d'un embrasement en Cisjordanie et plus encore au sud du Liban, où Tel Aviv craint l'ouverture d'un deuxième front par le Hezbollah au moment où Israël déclenchera son offensive à Gaza. Des calculs dont le gouvernement et l'armée israélienne ne peuvent pas faire l'économie.
Malgré tous ces obstacles, les experts estiment toutefois l'opération terrestre israélienne inéluctable. Pour Benjamin Netanyahu, qui a souvent fait campagne sur la sécurité d'Israël, les attaques du 7 octobre, les plus sanglantes depuis la naissance de l'Etat hébreu, ne peuvent avoir comme réponse que la force armée.
Tristan Hertig