"Les Israéliens ne savent sans doute pas ce qu'ils feront de la bande de Gaza une fois le Hamas affaibli"
Selon la chercheuse du Centre de sécurité de l'Institut français des relations internationales (IFRI), plusieurs raisons expliquent ce "retard". "Il y a tout d'abord des raisons humanitaires: Israël souhaite libérer un maximum d'otages avant de commencer l'opération terrestre, car ils pourraient servir de boucliers humains. Il y a aussi des raisons militaires, puisqu'il faut préparer les forces américaines présentes dans la région à un risque d'escalade alors qu'elles ont récemment subi des attaques en Syrie et en Irak de milices chiites proches de l'Iran."
Il y a également la nécessité de faire le lien entre l'objectif final de cette opération et la stratégie sur le terrain, explique Héloïse Fayet. "Il est très difficile de défaire un groupe terroriste comme le Hamas uniquement par les armes", indique-t-elle.
Selon la spécialiste, l'opération militaire est une réaction à court terme, puisque les Israéliens n'ont pas réfléchi à l'après-guerre. "Ils ne savent probablement pas ce qu'ils feront de la bande de Gaza une fois le Hamas détruit ou durablement affaibli."
Elle note toutefois que l'offensive israélienne n'est en "retard" qu'aux yeux des Occidentaux, qui s'étaient imaginés qu'elle commencerait rapidement alors qu'Israël n'avait pas précisé de date.
Incursions plutôt qu'une grande attaque?
Le "feu vert" ne devrait pas venir des Etats-Unis mais bien d'Israël, précise-t-elle. "Israël conserve sa souveraineté par rapport aux Etats-Unis. Donc à mon sens, ce sera tout de même à Israël de décider d'y aller ou non, même si les Etats-Unis ne sont pas forcément favorables aux plans qui leur sont actuellement proposés par l'Etat-major israélien."
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Je ne pense pas qu'Israël puisse faire l'économie d'une opération terrestre
Même si l'invasion d'envergure prend du temps à arriver et que les incursions ciblées se multiplient, Héloïse Fayet soutient qu'Israël n'a pas d'autre choix que de déclencher son opération terrestre. "Je ne pense pas que le pays puisse faire l'économie d'une opération terrestre. Elle ne sera peut-être pas de grande ampleur, mais en tout cas un peu plus musclée que celles que l'on voit actuellement."
Les incursions effectuées depuis plus d'une semaine visent à "libérer des otages, récupérer du renseignement et faciliter les éliminations ciblées de combattants du Hamas, qui sont ensuite effectuées par des bombardements aériens", précise-t-elle.
L'invitée de la RTS estime que le gouvernement israélien a besoin de "montrer à sa population qu'il agit: ne pas faire l'opération revient à le faire passer pour faible par rapport au 7 octobre". "Mais il est certain que Benyamin Netanyahou et ses conseillers se retrouveront face à une équation quasiment impossible à résoudre", estime l'experte.
Opération difficile sur le terrain
Sur le plan tactique, l'armée israélienne a les moyens de faire cette invasion terrestre de grande envergure, assure Héloïse Fayet. "Elle a les moyens de pénétrer dans la bande de Gaza et d'y faire des dégâts, c'est certain. Elle l'a démontré en 2014 avec l'opération "Bordure protectrice" qui consistait en une semaine d'opérations aériennes puis deux à trois semaines d'opérations terrestres."
Tsahal a les moyens de pénétrer dans la bande de Gaza et d'y faire des dégâts mais le terrain urbain la rend vulnérable
Mais sur le terrain, la chercheuse se montre plus modérée. "Le combat urbain est toujours défavorable à l'attaquant. Donc dans ce cas, l'armée israélienne sera en situation de fragilité, surtout qu'elle fera face à des combattants du Hamas, du Djihad islamique palestinien et à d'autres groupes extrêmement motivés."
L'ennemi a lui aussi "tiré les leçons de l'opération 'Bordure protectrice'" et malgré ses avantages, comme "son infanterie mécanisée et ses chars", Tsahal peut se retrouver "vulnérable et faire face à des embuscades, comme en 2014", souligne encore Héloïse Fayet.
Sujet radio: Eric Guevara-Frey
Adaptation web: Julie Marty