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De Twitter à X, comment l'information brute et exclusive a fait place aux "fake news"

De Twitter à X, comment l'information brute et exclusive a fait place aux "fake news" [Keystone - ETIENNE LAURENT]
De Twitter à X, comment l'information brute et exclusive a fait place aux "fake news" - [Keystone - ETIENNE LAURENT]
Il y a un an, le 27 octobre 2022, Elon Musk rachetait Twitter, rebaptisé ensuite X, avec la volonté d'en faire le paradis de la liberté d'expression. Une idée louable sur le principe qui laisse cependant la porte ouverte, on le constate aujourd'hui, aux fausses informations, au contenus violents et aux discours de haine.

Que ce soit au sujet du climat, de la guerre en Ukraine ou du conflit israélo-palestinien, le réseau social X est régulièrement accusé de relayer des "fake news".

Le 12 octobre dernier, la Commission européenne a annoncé l'ouverture d'une enquête visant l'ex-Twitter pour la diffusion présumée de "fausses informations", de "contenus violents et à caractère terroriste" et de "discours de haine" dans le contexte des attaques du Hamas contre Israël.

>> Lire aussi : L'UE ouvre une enquête contre X pour la diffusion présumée de "fausses informations"

Il semble bien loin, donc, le temps où la plateforme au petit oiseau bleu, créée en 2006 par Jack Dorsey, permettait aux internautes de raconter ce qu'ils faisaient en temps réel. Des publications encore limitées à 140 caractères du genre "je prends un café" ou "je prépare une pizza" qui ne laissaient à l'époque encore rien présager des polémiques actuelles autour de la désinformation.

Et si, depuis n'importe où, je pouvais raconter ce qu'il se passe mais aussi tout savoir en temps réel. Et si on faisait ça?

Jack Dorsey, créateur de Twitter à ses débuts

A cette époque, si l'interface se cherche encore, peinant à trouver son public, son jeune créateur persiste, répétant sans cesse sa volonté d'en faire une interface révolutionnaire de laquelle il est possible "depuis n'importe où de raconter ce qu'il se passe, mais aussi de tout savoir en temps réel."

"Le miracle de l'Hudson"

Il faudra attendre cependant 2009 pour qu'un événement précipite Twitter dans la sphère médiatique. Le 15 janvier de cette année-là, un airbus A320 doit amerrir d'urgence sur le fleuve de l'Hudson à New York. Et c'est sur Twitter qu'est publiée la première photo de l'appareil posé sur le cours d'eau. Un événement que la twittosphère va rapidement se mettre à commenter et partager, le surnommant "le miracle de l'Hudson". Et ce, avant les médias traditionnels.

Cet événement extraordinaire marque un tournant. Pour la première fois, ce ne sont pas des agences de presse ou des médias traditionnels qui annoncent l'information en primeur, mais un citoyen lambda sur Twitter. Et c'est une véritable révolution, bouleversant la manière de s'informer.

Première image de l'amerrissage de l'A320 sur l'Hudson à New York publiée sur Twitter le 15 janvier 2009. [Twitter]
Première image de l'amerrissage de l'A320 sur l'Hudson à New York publiée sur Twitter le 15 janvier 2009. [Twitter]

L'affaire DSK

La machine est lancée. En 2011, c'est sur Twitter qu'on apprend l'arrestation à New York du directeur général du Fonds monétaire international (FMI) Dominique Strauss-Kahn. Egalement en tête des intentions de vote de la primaire socialiste en vue de l'élection présidentielle française de 2012, il est accusé d'agression sexuelle par une femme de chambre de l'hôtel où il séjourne. C'est sur Twitter qu'il sera ensuite possible de suivre son procès en direct.

Twitter devient une plateforme incontournable pour les politiques. Ces derniers peuvent en effet communiquer directement sans passer par les médias. Barack Obama est le premier président de la planète à se lancer sur Twitter.

De là, le reste du monde va suivre. En plus des politiques, les journalistes, les scientifiques et les institutions notamment s'en emparent. Twitter devient une plateforme sur laquelle on trouve une liberté introuvable ailleurs. Sans compter une immédiateté, une simultanéité et une profusion inédites.

Rachat décrié par Elon Musk

Seize ans après les premiers "gazouillis" de l'oiseau bleu, Elon Musk, également cofondateur et directeur de Tesla et SpaceX, rachète le 27 octobre 2022 le réseau social pour 44 milliards de dollars, après des mois d'une saga hollywoodienne marquée par les attaques au vitriol du milliardaire et les rebondissements judiciaires.

Presque immédiatement, il adresse spécifiquement un message aux marques - qui rapportent l'essentiel des revenus de Twitter -, affirmant qu'il veut permettre à toutes les opinions de s'exprimer, sans pour autant en faire une plateforme "infernale" où tout serait permis. Il est "important pour l'avenir de la civilisation d'avoir une place publique en ligne où une grande variété d'opinions peuvent débattre de façon saine, sans recourir à la violence", y écrit-il notamment.

Un objectif qu'il n'a ensuite de cesse de répéter. "Twitter doit devenir de loin la source d'information la plus fiable sur le monde. C'est notre mission", tweete-t-il encore à l'époque.

Un message qui suscite toutefois rapidement des inquiétudes. Surtout que l'entrepreneur annonce, toujours avec la liberté d'expression en ligne de mire, vouloir assouplir la modération des contenus, ouvrant la porte à un retour de Donald Trump, évincé de Twitter peu après l'assaut du Capitole en janvier 2021.

Aussitôt dit, aussitôt fait: Elon Musk rétablit en novembre 2022 le compte de l'ancien président des Etats-Unis.

>> Lire aussi : Elon Musk rétablit le compte Twitter de Donald Trump, suspendu depuis janvier 2021

Critiques du fondateur de Twitter

Le fondateur et ancien patron de Twitter, Jack Dorsey, ne manque pas de réagir, remettant en doute la fiabilité du réseau social, ou plutôt de ce qu'il est devenu. "Fiable pour qui?", demande-t-il alors à Elon Musk, faisant notamment référence à l'un des tweets du nouveau propriétaire de Twitter qui recommande de voter républicain en novembre 2022.

"Le partage du pouvoir limite les pires excès des deux partis, je recommande donc de voter pour un Congrès républicain, étant donné que la présidence est démocrate", tweete Elon Musk. Ajoutant toujours sur Twitter: "Dans le passé, j'ai voté démocrate, parce qu'il s'agissait (principalement) du parti de la bienveillance. Mais ils sont devenus le parti de la division et de la haine, et je ne peux donc plus les soutenir, et je voterai républicain."

Et Elon Musk de s'en prendre aux journalistes: "Vous représentez le problème: les journalistes qui pensent être la seule source d'information légitime. C'est un grand mensonge", tweete-t-il notamment visant un professionnel des médias qui l'a pris à partie.

La suite, on la connaît: plusieurs vagues de licenciements, instauration d'un climat de peur au sein de la société, un changement de nom et une approche toujours plus radicale de la liberté d'expression qui s'est traduite par un assouplissement des règles sur la désinformation, la réduction des équipes de modération et le retour de nombreuses personnalités controversées.

La coche bleue, qui était auparavant gratuite mais réservée aux comptes authentifiés et notoires, est devenue payante et ouverte à tous, ce qui a rendu la plateforme moins lisible.

Le conflit actuel entre Israël et le Hamas illustre bien le problème: de multiples faux comptes soi-disant certifiés sèment la confusion, diffusant des images de conflits passés, colportant des conclusions hâtives sur des vidéos non vérifiées, etc.

Résultat: toujours plus de journalistes, scientifiques, célébrités, institutions ou marques font le choix de quitter X pour de bon. L'époque de l'ancien Twitter de Jack Dorsey semble décidément bien lointaine.

Fabien Grenon

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