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Au Burkina Faso, un quart des écoles sont fermées à cause des violences djihadistes

Une école au Burkina Faso. [Keystone - EPA/Simeon Duchoud-The Aga Khan Awar]
Burkina Faso: écoles fermées et éducation en danger / Tout un monde / 5 min. / le 30 octobre 2023
Comme ses voisins, le Burkina Faso est en proie à des violences régulières commises par les djihadistes qui règnent dans le nord du pays. Les principales victimes sont les civils et en premier lieu les enfants, des milliers d'écoles ayant dû fermer face à cette insécurité croissante.

Dans l'ouest de l'Afrique, la zone dite des "trois frontières" entre le Niger, le Burkina Faso et le Mali est un repaire pour les djihadistes sahéliens affiliés à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique. Les violences y sont quotidiennes, malgré la signature d'un accord de défense entre les trois pays.

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Ces actions violentes ont fait plus de 17'000 morts dans le seul Burkina Faso depuis 2015 et au moins 6000 depuis le début de l'année, selon l'ONG Acled. Deux millions de personnes ont été déplacées dans le pays.

Ibrahim Traoré, qui a pris le pouvoir il y a un an à la faveur d'un putsch, s'était donné "deux à trois mois" pour améliorer la situation sécuritaire. Mais le pays est toujours la cible d'attaques meurtrières, malgré le recrutement massif de soldats volontaires et l'achat de matériel militaire. La France a en outre dû retirer ses soldats en début d'année, sur demande des autorités en place.

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Un million d'enfants déscolarisés

Si l'armée et les volontaires paient le plus lourd tribut à ces attaques, les civils sont aussi fortement touchés. Selon l'Unicef, un quart des écoles ont dû fermer et d'autres le sont presque chaque jour, sous la pression des djihadistes. Des bâtiments scolaires sont attaqués et les instituteurs sont menacés et parfois assassinés. Plus d'un million d'enfants seraient ainsi déscolarisés.

Cette guerre contre l'école est surtout visible dans le nord du pays, dans des zones difficiles d'accès où quasiment plus aucun média international n’ose se rendre. Fanny Noaro-Kabré a pu effectuer un reportage pour la RTS à Ouahigouya et y a vu des instituteurs qui se battent pour tenter de sauver ce qui peut encore l'être.

Les djihadistes nous ont contraints à fermer les écoles sans quoi nous allions perdre la vie

Issou, habitant de la ville de Ouahigouya

Les écoles de la région sont pour la plupart fermées depuis plus d'un an, quand des hommes armés ont débarqué à moto et ont menacé les habitants. L'un d'eux, Issou, a raconté dans l'émission Tout un monde: "Les djihadistes, nos frères qui se sont révoltés, ont pris les armes contre nous et, avec des kalachs, ils contraignent les gens à venir à la mosquée et imposent leur dictature. Ils nous ont contraints de fermer les écoles sans quoi nous allions perdre la vie. Et les enseignants sont partis, l’administration est partie. On a dû fermer les écoles."

Des écoles improvisées

A Ouahigouya, les déplacés qui ont fui les attaques de leurs villages sont arrivés par dizaines de milliers ces dernières années. Les tentes et abris de fortune ont envahi les quartiers et les écoles. Personne ne sait quoi faire face à cette situation. "On ne peut pas les chasser comme des animaux. Ils n’ont pas demandé leur situation. Voilà pourquoi, nous aussi, calmement, on attend leur relogement pour occuper nos classes et reprendre nos activités scolaires", témoigne Amidou Ouedraogo, directeur de l'un de ces établissements.

Assise sur une natte au sol, ses maigres bagages rassemblés dans des sacs de jute, Fatima confie qu'elle n'a nulle part où aller. "On a fui, ils nous tiraient dessus. Le jour où on a quitté le village, on a dû marcher sur des cadavres. Bien sûr que j’ai peur." Elle sait qu'elle ne peut pas rester dans cette école et tout ce qu'elle demande, c'est une maison pour dormir.

On a fui, ils nous tiraient dessus. Le jour où on a quitté le village, on a dû marcher sur des cadavres

Fatima, qui a dû quitter son village

En attendant, les élèves restent dehors, sous les arbres avec leurs cartables au dos. Ils viennent et ne savent pas ce qu'ils vont faire de leur journée, sans pouvoir suivre les cours. Des écoles délocalisées se sont certes installées ici et là, mais dans des conditions très difficiles. Comme les classes sont saturées, avec parfois 100 à 150 enfants par enseignant, on doit souvent se contenter de bâches trouées à même la terre.

L'instituteur Ousseini Ouedraogo confie vouloir faire de son mieux, même si les conditions ne sont pas réunies. Il a dû fuir son village et il se démène avec ses collègues pour réunir leurs anciens élèves et continuer tant bien que mal à leur faire cours, même si l'état psychologique des enfants est alarmant. "Les enfants ont la psychose même de la guerre. D’autres ont perdu leurs parents. Et à la maison, cela ne va pas, d’autres élèves même n’ont pas à manger", relate le professeur.

Des programmes scolaires à la radio

Face à ces nombreuses difficultés, des alternatives se sont développées, notamment des programmes d'éducation réalisés par des radios locales. Chaque jour, des leçons de calcul, d’écriture et de lecture sont diffusés à destination des enfants privés d’école, sous la supervision du ministère de l’Éducation nationale.

"La radio apporte un message là où on ne peut pas enseigner. Cela permet à ces enfants de mémoriser quelque chose. C'est comme s’ils étaient à l’école en fait", relate Bertrand Joël Syan, chef de programme à la radio Notre Dame du Sahel.

Malgré tout, la situation ne fait qu’empirer chaque année et beaucoup craignent que toute une génération d’enfants burkinabés ne perdent définitivement leur accès à l’éducation.

Reportage radio: Fanny Noaro-Kabré

Adaptation web: Frédéric Boillat

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