Largué dans les sondages, Joe Biden est privé des dividendes de sa politique économique réussie
Les camions défilent les uns après les autres dans la rue principale de Johnstown, à une quarantaine de kilomètres de Colombus, la capitale de l'Ohio. Depuis la fenêtre de son "diner", Tiffany Hollis observe les embouteillages et en est presque fière.
Cette communauté rurale est en plein essor depuis que le géant des microprocesseurs Intel a annoncé la construction de deux usines, un investissement initial de quelque 20 milliards de dollars qui pourrait faire de cette bourgade de 5000 habitants l'épicentre d'une Silicon Valley du Midwest américain.
"Il y a une vraie fierté. C'est tellement important de fabriquer ces microprocesseurs en Amérique! Et les enfants, ici, auront des perspectives dont moi, petite écolière, n'aurais jamais pu rêver", se réjouit-elle dans La Matinale.
Les "Bidenomics" ne se transforment pas en votes
Joe Biden en est fier également. Il en a parlé dans son discours sur l'état de l'Union comme un exemple de sa politique industrielle, qu'il a baptisée "Bidenomics". Pourtant, lorsqu'on demande aux habitants de Johnstown si leur ville est emblématique des Bidenomics, le malaise est perceptible. "Je ne pense pas qu'on peut dire cela", répond la restauratrice, un peu gênée.
La réponse est un peu plus positive pour l'actuel président américain si on pose cette question à Kenny Mc Donald, directeur de l'agence régionale de promotion économique Columbus Partnership. Pour lui, Joe Biden y est bien pour quelque chose. Il a signé une loi qui subventionne massivement la production des microprocesseurs sur le territoire américain, soit une politique industrielle inédite qui ouvre de nouvelles perspectives pour la région", estime-t-il.
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"Si Trump s'en vantait, les gens lui en attribueraient le crédit"
Ces "Bidenomics" profitent très largement aux Etats qui votent généralement républicain, comme l'Ohio. Et Joe Biden n'est pas sûr d'en toucher les dividendes politiques.
"Ce qui est intéressant avec Joe Biden, c'est qu'il n'est pas considéré comme étant à l'origine de l'implantation de cette usine. Les gens pensent plutôt que ce sont les leaders de l'Etat, et au niveau local, qui ont fait venir Intel. Ils ne pensent pas que ce soit dû à la politique de Joe Biden", résume Donald Barnad, le maire de Johnstown, chef-lieu d'un comté qui a voté à 65% pour Donald Trump aux dernières élections.
"Probablement que si c'était Trump qui s'en vantait, les gens d'ici lui en attribueraient le crédit. C'est une région plutôt républicaine", glisse-t-il encore.
Un profond fossé partisan
Le restaurant de Tiffany Hollis n'a jamais eu autant de clients depuis l'ouverture du chantier Intel. Mais quand on lui demande son avis sur la conjoncture, elle n'est pas convaincue, estimant que l'économie américaine est en difficulté. Elle cite les problèmes pour se fournir en saucisses, un exemple des chaînes d'approvisionnement perturbées. Sans parler des prix qui ont flambé après la pandémie et qui n'ont pas baissé depuis.
"Je ne sais pas si d'autres pays au monde ont les mêmes problèmes depuis le Covid. Mais quand tu es président des Etats-Unis, ça fait partie du job! Tu es responsable de l'état de l'économie. Que ce soit de ta faute ou pas, tu es là pour remettre l'économie sur pied. Ce qui n'a pas été fait", défend-elle.
Et pourtant, avec une croissance à 4,9% au dernier trimestre et le chômage à un niveau historiquement bas, l'économie américaine se porte mieux que celle des autres pays du G7. Mais dans ce coin de l'Ohio, le fossé partisan est profond. Dans le cas de Joe Biden, il est même peut-être infranchissable.
Sujet radio: Jordan Davis
Adaptation web: Vincent Cherpillod