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A un an de la présidentielle, le probable duel Biden-Trump a un goût de déjà-vu qui fatigue l'Amérique

À un an des élections présidentielles américaines, une page spéciale est consacrée à l’état de l’Iowa, au cœur de la primaire républicaine
À un an des élections présidentielles américaines, une page spéciale est consacrée à l’état de l’Iowa, au cœur de la primaire républicaine / 19h30 / 8 min. / le 6 novembre 2023
A un an jour pour jour de la présidentielle américaine, le scrutin est loin d'enchanter la population. Au contraire, électeurs et électrices sont désabusés en imaginant un nouveau duel entre Joe Biden et Donald Trump, une répétition de 2019 à la seule différence que les deux protagonistes ont encore pris de l'âge.

Ce sera sauf surprise entre deux hommes blancs âgés de 81 et 78 ans que la population américaine devra faire son choix le 5 novembre 2024. Et tant le président sortant Joe Biden que son prédécesseur Donald Trump sont loin d'enthousiasmer, surtout auprès des jeunes, qui critiquent un non-choix.

Joe Biden a annoncé fin avril être candidat à sa réélection. Le démocrate martèle sa volonté de redonner à l'Amérique populaire "oubliée", perturbée par la mondialisation, une place centrale dans la société. Mais sa cote de popularité demeure médiocre et son âge - il aura 86 ans à la fin de son mandat s'il est réélu - est vu comme un obstacle majeur pour beaucoup, même si Joe Biden se dit en pleine forme.

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Face à lui, Donald Trump surfe largement au-dessus de la mêlée des candidats républicains et il pourrait donc être choisi par son parti pour affronter Joe Biden, malgré les quatre inculpations qu'il doit affronter. Cerné par les enquêtes sur des affaires financières, ses pressions électorales en 2020 ou encore la gestion de ses archives de la Maison Blanche, l'homme d'affaires se jette à corps perdu dans sa nouvelle campagne électorale, en dénonçant "une chasse aux sorcières".

>> Ecouter le podcast "Democracy! Démocratie!" consacré à Donald Trump :

Democracy! Démocratie! (Logo Play)
Trump: la banalisation de l’outrance / Democracy ! Démocratie ! / 17 min. / le 20 octobre 2023

Lassitude et défiance

Dans ces conditions, 65% des Américains se disent épuisés en pensant à la vie politique, selon une récente enquête d'opinion de l'institut Pew Research. Cette lassitude prend aussi la forme d'une défiance sourde envers les deux grands partis, les institutions et, pour une minorité, envers la notion même de démocratie.

Selon le centre de recherches politiques de l'Université de Virginie, 31% des partisans de Donald Trump mais aussi 24% de ceux de Joe Biden jugent que la démocratie n'est plus un système viable et qu'il faudrait explorer d'autres formes de gouvernement. Ce découragement, cette crispation, l'ancien président républicain comme l'actuel chef d'Etat y répondent de manière radicalement opposée.

Joe Biden croit toujours pouvoir réparer "l'âme" de l'Amérique. "Nous sommes les Etats-Unis d'Amérique, pour l'amour de Dieu, il n'y a rien que nous ne puissions faire, si nous le faisons ensemble", répète-t-il à chaque discours ou presque. Donald Trump, lui, parie sur l'envie de poigne, voire sur la tentation de l'autoritarisme, face à un "déclin" qu'il promet d'enrayer. Il attaque donc sans relâche la faiblesse supposée de son adversaire, qu'elle soit physique, mentale ou diplomatique.

>> L'analyse de Gaspard Kühn dans le 19h30 :

L'analyse de Gaspard Kühn, correspondant de la RTS aux Etats-Unis, sur le sondage du New York Times qui prédit une victoire de Donald Trump aux présidentielles 2024
L'analyse de Gaspard Kühn, correspondant de la RTS aux Etats-Unis, sur le sondage du New York Times qui prédit une victoire de Donald Trump aux présidentielles 2024 / 19h30 / 2 min. / le 6 novembre 2023

Une jeunesse désabusée

En entendant ces discours, nombre d'Américains envisagent de ne pas se rendre aux urnes, à l'image de Muhammad, un étudiant de 23 ans interrogé par l'AFP. "Cela revient en quelque sorte à choisir entre la peste et le choléra et le plus difficile est de savoir qui est quoi", relève-t-il. Andrew, un autre étudiant, résume lui sa lassitude envers les deux candidats ainsi: "L'un d'entre eux est cerné par les enquêtes judiciaires et ne sait pas se taire. Et l'autre a vraiment du mal à tout gérer."

Cela revient en quelque sorte à choisir entre la peste et le choléra

Muhammad, étudiant américain de 23 ans

Au final, les Etats-Unis, qui vivent depuis huit ans au rythme des déclarations, provocations et outrances de Donald Trump, n'ont peut-être encore rien vu: même condamné, le républicain pourrait rester dans la course pour la Maison Blanche, selon les experts, car rien dans la Constitution américaine ne l'en empêche.

Encore à prendre avec une grande prudence à un an du vote, les sondages donnent en effet Joe Biden largement battu par Donald Trump. Le dernier en date, publié par le New York Times, indique que le démocrate sera défait par le républicain dans cinq des six Etats clés du scrutin, alors qu'il avait en 2020 arraché la victoire dans chacun de ces "swing states", (Nevada, Géorgie, Arizona, Michigan, Pennsylvanie, Wisconsin).

Plusieurs autres candidats républicains

Face aux deux "dinosaures", d'autres candidats tentent de se faire une place. Côté démocrate toutefois, personne ou presque n'ose contester Joe Biden, comme il est d'usage quand un sortant se représente. Marianne Williamson, auteure de livres à succès sur la spiritualité et le bien-être, est la seule autre candidate, mais ses chances sont extrêmement minces.

Chris Christie, Nikki Haley, Ron DeSantis, Vivek Ramaswamy et Tim Scott lors du débat républicain qui s'est tenu fin septembre sans Donald Trump. [Keystone - EPA/Etienne Laurent]
Chris Christie, Nikki Haley, Ron DeSantis, Vivek Ramaswamy et Tim Scott lors du débat républicain qui s'est tenu fin septembre sans Donald Trump. [Keystone - EPA/Etienne Laurent]

En revanche, les républicains placent certains espoirs dans d'autres candidatures et en premier lieu celle du gouverneur de Floride Ron DeSantis. Si beaucoup estime qu'il incarne la relève du Parti républicain, sa cote de popularité a largement dégringolé dans les enquêtes d'opinion depuis qu'il s'est lancé dans la course fin mai. A la tête de la Floride depuis 2018, cet ancien officier de marine quadragénaire s'est fait remarquer en multipliant les coups d'éclats ultra-conservateurs sur l'éducation ou l'immigration.

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Ancienne gouverneure de la Caroline du Sud et ex-ambassadrice des Etats-Unis à l'ONU, Nikki Haley, 50 ans, est la seule femme engagée dans la primaire républicaine, qui débute en janvier. Sans avoir jamais renié le bilan de Donald Trump, elle a critiqué ouvertement sa croisade post-électorale sur une supposée fraude jamais prouvée. Durant les débats républicains, elle s'est distancée de ses rivaux avec une position plus modérée sur l'avortement. Elle occupe la troisième place dans les sondages.

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Autre candidat, Vivek Ramaswamy a fait fortune dans les biotechnologies et qualifie les militants écologistes de "secte religieuse": à 38 ans, ce novice complet de la politique qui se plaît à s'imaginer en "Trump 2.0" espère que son discours provocateur et incisif le propulsera jusqu'à Washington.

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Côté républicain, le gouverneur du Dakota du Nord Doug Burgum, le sénateur Tim Scott et les anciens gouverneurs Asa Hutchinson et Chris Christie sont également dans la course, sans que leurs candidatures ne paraissent très prometteuses.

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La dynastie Kennedy dans la course

Neveu du président assassiné John F.Kennedy et fils de Robert F.Kennedy, assassiné lui aussi, Robert Francis Kennedy Jr concourt lui comme candidat indépendant. Avocat spécialisé dans les questions environnementales, il est connu pour propager des théories complotistes, notamment sur les vaccins. Il pourrait siphonner des voix précieuses à Biden et Trump, la plupart des élections se jouant dans un mouchoir de poche.

>> Le décryptage de la campagne américaine avec le journaliste des chaînes NBC et MSNBC Richard Lui dans l'émission Tout un monde :

Lors de la présidentielle américaine de 2024, "nous entendrons les mêmes mélodies", selon le journaliste des chaînes de télévision NBC et MSNBC Richard Lui. [AFP - Shelby Tauber]AFP - Shelby Tauber
Interview du journaliste Richard Lui sur le climat politique américain / Tout un monde / 7 min. / le 15 septembre 2023

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Frédéric Boillat avec afp

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