"C'est une catastrophe humaine, surtout pour les enfants", souligne-t-il. "Il y aura énormément de séquelles qui vont se transmettre pendant plusieurs générations. Beaucoup ne s'en remettront jamais, des deux côtés."
"Nous ne sommes pas dans le processus de résilience, nous sommes dans la guerre. Je pense que des deux côtés, il y a des gens généreux et courageux, mais ce ne sont pas eux qui ont la parole, le pouvoir", explique-t-il. "Tant que la parole et le pouvoir seront donnés aux extrémistes, on verra des images comme ça, de catastrophe, dans tous les pays."
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Les images comme vecteur de guerre
La guerre est aussi entretenue par les images partagées. "Les images transmettent l'horreur. C'est pour ça qu'elles sont utilisées pour entretenir la guerre", déplore Boris Cyrulnik.
Il évoque de nombreux enfants "traumatisés par les images" de l'attentat du 11 septembre 2001 sans être sur place à New York.
Pour sécuriser les enfants, les parents n'ont donc pas d'autre choix que de "les envelopper et leur permettre de s'exprimer par des mots, des jeux".
"Théoriquement, quand les parents ne sont pas sécurisés, ils ne peuvent pas l'être pour leurs enfants", précise-t-il. "C'est de la résistance. La résilience viendra après la catastrophe parce que tout le monde va payer, nous aussi."
"Exactement" comme pendant la Seconde Guerre mondiale
Boris Cyrulnik, dont les deux parents ont été déportés, se souvient que les témoignages de la Seconde Guerre mondiale étaient semblables à ceux liés au conflit au Proche-Orient avec notamment l'antisémitisme. "Je ne m'y attendais pas. Je croyais qu'on avait liquidé le problème. Or, les mots, les discours que j'entends, les dessins que je vois sont exactement les mêmes que ceux que j'ai vu avant et pendant la guerre. Comme si notre travail, notre expérience n'avaient servi à rien."
"Tout réapparaît. Les mêmes discours, les mêmes exemples et la même haine", regrette-t-il.
L'invité du 19h30 estime malheureusement que l'humain "ne sait faire du social que par la guerre". "Si l'espèce humaine a survécu c'est parce que les hommes ont été violents."
Il se souvient qu'on encourageait la violence à l'école. "Si un petit garçon ne se battait pas, sa mère avait honte et l'appelait femmelette."
Boris Cyrulnik termine sur une note moins négative en rappelant que la guerre favorise la solidarité. "La haine a un effet bénéfique, tragique: elle augmente la solidarité des persécutés", conclut-il.
Propos recueillis par Philippe Revaz
Adaptation web: Julie Marty
Nouvel ouvrage pour mieux comprendre la condition humaine
Psychiatre et auteur de nombreux succès de librairie, Boris Cyrulnik est célèbre pour avoir popularisé le concept de résilience.
Dans son dernier livre, l'auteur se montre préoccupé de la direction prise par l'humanité.
Orphelin, il est placé dans une institution. Ses "seules relations humaines", il les avait "avec des bêtes" qui l’ont beaucoup aidé.
Les animaux pour comprendre l'humain
Boris Cyrulnik a toujours pensé qu’en étudiant les animaux on pouvait mieux comprendre la condition humaine. Approche qu’il applique à nouveau dans son dernier ouvrage.
On peut y lire: "Les hommes peuvent fabriquer des cathédrales ou des récits merveilleux, autant que des outils pour faire la guerre afin d’imposer leurs idées et leurs croyances, jusqu’au génocide ou à la destruction de la planète. Ça, les animaux ne savent pas le faire."
Un livre qui est fondé sur une longue expérience clinique et une approche pluridisciplinaire qui nous invite à réfléchir sur notre place dans la nature.
Sujet tv: Marion Tinguely