Perçue par une partie de la société espagnole comme une atteinte à l'Etat de droit, cette amnistie très controversée intervient six ans après la tentative de sécession de la Catalogne (nord-est), qui a constitué en 2017 l'une des pires crises politiques de l'Espagne contemporaine.
Au total, plusieurs centaines de milliers de manifestants sont descendus dans les rues de 52 grandes villes du pays à midi pour dire "non à l'amnistie", à l'appel du Parti Populaire (PP), principale formation de l'opposition de droite, selon les chiffres de plusieurs préfectures rassemblés par les médias espagnols.
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"Nous ne nous tairons pas jusqu'à ce qu'il y ait de nouvelles élections", a prévenu son chef Alberto Núñez Feijóo lors de son discours à Madrid. Cette mobilisation "va bien au-delà du parti" populaire, a ajouté celui qui est arrivé en tête des élections législatives du 23 juillet mais a échoué à être investi Premier ministre, faute de soutiens suffisants au Parlement.
Dans la capitale, près de 80'000 manifestants, selon la préfecture, ont formé une marée de drapeaux espagnols rouges et jaunes, sur et autour de la place centrale de la Puerta del Sol, aux cris de "Pedro Sanchez démission" ou avec des pancartes indiquant par exemple "Fin à l'inégalité régionale" ou "Sanchez, tu romps la nation et crées de la crispation".
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"Dans le dos de tous les Espagnols"
Deuxième du scrutin, le socialiste Pedro Sánchez est désormais assuré d'être reconduit au pouvoir par le Parlement la semaine prochaine, grâce à l'appui des députés de la formation de l'indépendantiste catalan Carles Puigdemont, principale figure de la tentative de sécession de 2017 qui a fui en Belgique pour échapper aux poursuites judiciaires.
En échange de son soutien, le parti de Puigdemont, Ensemble pour la Catalogne (Junts per Catalunya), a obtenu une loi d'amnistie des indépendantistes poursuivis par la justice, principalement pour les événements de 2017, ainsi que l'ouverture de négociations portant, entre autres, sur la question de la "reconnaissance de la Catalogne comme nation".
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La droite espagnole, une partie de la magistrature, mais aussi certains dirigeants modérés du Parti socialiste de Pedro Sánchez considèrent que cette mesure d'amnistie va à l'encontre des principes d'égalité et d'unité territoriales et de la séparation des pouvoirs.
Dans la foule à Madrid, vêtue d'un drapeau espagnol, Laura Díaz Bordonado, avocate de 31 ans, confie ne pas ressentir "seulement de colère ou de l'indignation, mais aussi de la peur" concernant cette alliance politique. Un peu plus loin, Alberto, professeur de 32 ans votant lui aussi à droite, dénonce un pacte signé "dans le dos de tous les Espagnols qui sont ici".
"Accepter le résultat des urnes"
Intervenant lors du congrès des socialistes européens à Malaga, dans le sud de l'Espagne, Pedro Sánchez, au pouvoir depuis 2018, a appelé samedi le Parti Populaire à "accepter le résultat des urnes et la légitimité du gouvernement que nous allons bientôt former".
Le parti d'extrême droite Vox s'est joint dimanche aux rassemblements du PP avant de participer à des manifestations devant les sièges du Parti socialiste espagnol (PSOE) à travers le pays.
A Madrid, le chef de Vox Santiago Abascal a appelé à une mobilisation "permanente" et "croissante" pour éviter le "coup d'Etat" que représente l'accord entre les socialistes et les indépendantistes catalans.
Le siège national du PSOE à Madrid est la cible depuis plus d'une semaine de manifestations quotidiennes à l'appel d'organisations proches de Vox. Ces rassemblements ont dégénéré à plusieurs reprises cette semaine en échauffourées entre militants radicaux et forces de l'ordre.
ats/ebz