Fin de vie en France: "Aujourd'hui, on traite mieux nos animaux de compagnie que nos semblables"
En lançant le débat sur la fin de vie en France, le président Emmanuel Macron a créé une Convention citoyenne. Composée de 184 personnes, cette assemblée a rendu son rapport en avril dernier après vingt-sept jours de travaux et après avoir auditionné une soixantaine d’experts.
Présidente de la convention, Claire Thoury se félicite du processus: "Le sujet de la fin de vie a été débattu un nombre de fois incalculable depuis la nuit des temps, et on voit que c'est un sujet sur lequel on n'arrive pas à se mettre d'accord politiquement. Dans ce contexte, organiser une convention citoyenne dans laquelle on demande à Monsieur et Madame tout-le-monde, tirés au sort et représentatifs de la diversité de la population française, de travailler sur ce sujet-là, c'est faire preuve de courage politique".
Trois quarts des personnes qui composent cette assemblée se sont prononcées pour une aide active à mourir. La majorité estime également que, si l’aide active à mourir était légalisée, les soignants devraient être largement impliqués. La pratique serait donc différente de la Suisse, qui donne beaucoup de place aux milieux associatifs.
Les soignants divisés
Problème: les soignants sont plutôt réticents à l’idée de devoir pratiquer ces gestes. A l'Hôpital Gustave-Roussy, au sud de Paris, les positions sont polarisées. Une médecin interrogée par la RTS estime qu'il faut avant tout améliorer l'accompagnement des patients en fin de vie: "Aujourd'hui on meurt encore mal en France, mais je ne pense pas qu'il faille répondre à cette question par une loi sur l'euthanasie ou le suicide assisté. Avant de faire une loi sur l'euthanasie, il faudrait d'abord développer les soins palliatifs".
Une de ses collègues avoue qu’une loi sur la question "pourrait la pousser à changer de métier". D’autres médecins ou infirmières pensent au contraire qu'il faudrait à la fois améliorer les soins palliatifs et légaliser l’aide active à mourir.
Malades en attente
Loïc Résibois est atteint de la maladie de Charcot, qui affecte les nerfs et les muscles, dont ceux qui nous permettent de respirer: "Ce que j'attends d'Emmanuel Macron, c'est qu'il respecte ses engagements. En 2017, il s'était dit favorable à l'évolution sur la loi sur la fin de vie. Et en 2022, c'était carrément une promesse de campagne".
Il estime que le président français temporise et rappelle l’urgence pour les malades, notamment les près de 8'000 personnes atteintes par la maladie de Charcot en France: "Dans quelques mois, beaucoup seront partis en Suisse ou en Belgique pour bénéficier de l'euthanasie ou du suicide assisté".
"Il y aura peut-être eu aussi des drames, avec des personnes qui tuent des proches parce qu'ils les implorent de le faire, parce qu'ils souffrent", poursuit Loïc Résibois. "Si on devait résumer, je dirais qu'aujourd'hui en France, on traite mieux nos animaux de compagnie, qui peuvent partir sans trop souffrir, que nos semblables".
Pauline Rappaz, Antoine Harari