"Des civils captifs ont été rapatriés, mais souvent morts", témoigne la fille d'un Ukrainien emprisonné en Russie
Si une partie des prisonniers ukrainiens sont des soldats, Kiev estimé qu'environ 10'000 civils sont aussi détenus en Russie.
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Avant la guerre, le père de Yulia, 20 ans, surveillait une grande ferme dans le sud de l'Ukraine pour le travail. Sauf qu'au premier jour de guerre, les troupes russes ont envahi cette partie du pays, son père se retrouve piégé.
Les premiers jours, il parvient à l'appeler en cachette, quelques secondes seulement. Yulia comprend tout de suite qu’elle n’arrivera pas à le sauver et qu’elle devra se contenter de tout faire pour ne pas perdre sa trace. Lorsqu’ils parviennent à se parler, elle comprend aussi qu’il ne dit pas tout, pour sa sécurité, mais aussi pour la préserver.
"Il m'a juste dit qu'il avait peur et que ses cheveux étaient devenus d’un coup tout gris", raconte-t-elle dans La Matinale vendredi.
Sans nouvelles
Au bout de quelques jours, Yulia n'a plus de nouvelles. Elle vit ce que des milliers de familles ukrainiennes vivent: personne pour les aider ou pour leur dire si leur proche disparu est prisonnier, mort ou blessé.
Après des mois, un soldat contacte la jeune fille. Lui a eu la chance d’être libéré et lui confirme que son père est en prison. Ils étaient dans le même lieu de détention.
Les détenus sont battus, ils doivent chanter l'hymne national russe à 6 heures du matin et ils ne peuvent pas s'asseoir.
"Des soldats sont parfois libérés après quatre ou cinq mois de captivité et on les voit revenir avec la peau sur les os. Je n'ose pas imaginer dans quel état sont les personnes - comme mon père - qui sont prisonnières depuis plus d'un an", indique Yulia.
"C'est très dur de ne pas savoir ce qu'il va nous arriver. Des civils ont été rapatriés en Ukraine... mais malheureusement morts", s'attriste-t-elle.
Retrouvailles quasi-impossibles
Les familles de civils captifs n'ont presque aucune chance de revoir leur proche. En effet, si les échanges de soldats ukrainiens contre russes existent, ceux de civils sont rarissimes, faute de cadre légal. Les échanges de soldats sont, eux, encadrés par les conventions de Genève.
Les rares civils qui ont pu s’en sortir témoignent souvent de torture, de travail forcé, plusieurs ont dû creuser des tranchées pour l’armée russe.
"Dès que tu arrives à la prison, tu te fais tabasser par quatre personnes. Certains ont des gants de combat, d'autres te frappent avec les pieds, d'autres avec une chaise. On te réveille à 6 heures du matin pour chanter l'hymne national russe. Il faut s’arracher la voix, chanter très fort, plusieurs fois, jusqu'à ce que ça plaise aux gardiens. Les détenus ont l’obligation de rester debout dans les cellules. Ils ne peuvent pas s’asseoir du tout", décrit Yulia.
Lorsqu'un ukrainien est capturé par la Russie, la famille n'a que très peu de chance de le voir revenir.
Le CICR sous tension
Le CICR est la seule aide dont peuvent bénéficier les prisonniers et leurs proches mais elle reste maigre, comme le rappelle Yulia.
"J'ai reçu un appel de Genève me disant que mon père était en captivité. Mais ça je le savais déjà. Je leur ai alors demandé s’il y avait peut-être une lettre ou des nouvelles de sa santé. Ils m’ont répondu qu’ils ne pouvaient rien me dire de plus. Je leur ai demandé 'mais quand l’avez-vous vu?' Ils m’ont répondu que c’était il y a cinq mois. Je leur ai dit 'mais pourquoi ne pas avoir appelé avant?' La réponse a été: nous sommes désolés, mais nous manquons de personnel."
Yulia recevra ensuite d’autres lettres, via des soldats libérés qui ont croisé son père. Elle s’accroche à cette seule lueur d’espoir de le retrouver un jour, grâce à une lettre qu’il a adressée à sa mère, âgée, et qui dit "Maman, attends-moi s'il te plaît".
Sujet radio: Maurine Mercier
Adaptation web: juma