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Six jeunes accusés d'être liés au meurtre de Samuel Paty devant la justice française

Un portrait de Samuel Paty. [Keystone - EPA/Bertrand Guay]
Assassinat de Samuel Paty: six adolescent auditionnés à l’ouverture du procès en France / Le 12h30 / 1 min. / le 27 novembre 2023
Le premier procès dans l'affaire de la décapitation en 2020 de l'enseignant Samuel Paty par un jeune djihadiste s'est ouvert lundi à Paris, où six anciens collégiens comparaissent à huis clos devant le tribunal pour enfants. Cinq jeunes sont accusés d'avoir désigné le professeur au tueur.

Un deuxième procès pour juger huit adultes aura lieu devant la cour d'assises spéciale de Paris fin 2024. Les jeunes prévenus sont arrivés lundi au tribunal peu avant 9h00, le visage camouflé, accompagnés de leurs parents et de leurs avocats.

Avant eux, des proches de Samuel Paty sont entrés dans la salle, ainsi qu'une dizaine d'anciens collègues du professeur, qui veulent se constituer partie civile au procès, malgré l'opposition du parquet national antiterroriste.

L'Education nationale française veut également se constituer partie civile, a indiqué le ministre de l'Education nationale Gabriel Attal. "Cela me semble indispensable pour réaffirmer avec force notre volonté de défendre les valeurs de la République que Samuel Paty incarnait, mais aussi pour exprimer mon soutien indéfectible à l'ensemble du corps enseignant, profondément meurtri par l'assassinat barbare de leur collègue", a-t-il déclaré.

Assassin tué par la police

L'attentat, intervenu sur fond de menace terroriste élevée, avait suscité un immense émoi en France et à l'étranger. Le 16 octobre 2020, l'enseignant en histoire-géographie de 47 ans avait été poignardé puis décapité près de son collège à Conflans-Sainte-Honorine (en région parisienne) par un réfugié russe d'origine tchétchène. Cet islamiste radicalisé de 18 ans avait été tué dans la foulée par la police.

Il reprochait au professeur d'avoir montré des caricatures de Mahomet lors d'un cours sur la liberté d'expression. Dans un message audio en russe, il s'était félicité d'avoir "vengé le Prophète".

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Association de malfaiteurs

Cinq adolescents - âgés de 14 et 15 ans à l'époque de l'assassinat de Samuel Paty - sont jugés pour association de malfaiteurs en vue de préparer des violences aggravées. Ils sont accusés d'avoir surveillé les abords du collège et désigné Samuel Paty à l'assaillant, contre rémunération.

Une sixième adolescente, âgée de 13 ans au moment des faits, comparaît pour dénonciation calomnieuse. Cette collégienne avait, à tort, soutenu que Samuel Paty avait demandé aux élèves musulmans de la classe de se signaler et de sortir de la classe avant de montrer les caricatures de Mahomet. Elle n'avait en réalité pas assisté à ce cours.

Son mensonge a été à l'origine d'une violente campagne alimentée sur les réseaux sociaux par son père et par un militant islamiste auteur de vidéos qui avaient attiré l'attention sur le professeur. Ces deux hommes seront jugés lors du second procès.

Identification de Samuel Paty

L'enquête avait retracé comment, en dix jours, le piège s'était refermé sur Samuel Paty: du mensonge de la collégienne aux attaques en ligne, jusqu'à l'arrivée de l'assaillant devant le collège le 16 octobre.

"Eh le petit, viens voir, j'ai un truc à te proposer", a dit le tueur à un adolescent, lui offrant 300 euros pour identifier Samuel Paty que l'assaillant dit vouloir "filmer en train de s'excuser".

Le collégien "se vante" et relaie la proposition, ne se "sentant pas de le faire tout seul". Quatre autres le rejoignent, d'après des témoignages cités dans l'ordonnance des juges d'instruction consultée par l'AFP.

Certains font des allers-retours entre le collège et la "cachette" de l'assassin, surveillent ou se filment avec des billets. L'assaillant demande à l'un d'eux de téléphoner à l'adolescente à l'origine de l'affaire. Elle réitère son mensonge, sans savoir qu'il écoutait, assurera-t-elle.

Adolescents en larmes

Lors d'auditions où ils se sont effondrés en larmes, les collégiens ont juré avoir imaginé que le professeur se ferait tout au plus "afficher sur les réseaux", peut-être "humilier", "taper"... mais "jamais" que ça irait "jusqu'à la mort".

A la sortie des classes, Samuel Paty est désigné par les adolescents: "Il est là". Il sera assassiné peu avant 17h00. Les adolescents sont aujourd'hui lycéens. Ils encourent deux ans et demi d'emprisonnement. "C'est compliqué", résume Me Dylan Slama, avocat de l'un d'eux. "Toute sa vie il restera ce gamin impliqué dans cette affaire". Le procès est prévu jusqu'au 8 décembre.

afp/ami

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