Une minute de silence a été observée mardi après-midi en mémoire de Thomas, habitant de Crépol tué il y a dix jours. Un tel hommage par les députés français est rare. En dix jours, ce fait divers est devenu largement politique.
Pourtant, dès le départ, tous les ingrédients d’une lecture très clivante des événements étaient réunis. Un bal de campagne attaqué par des jeunes de cité, des agresseurs pour la plupart issus de l’immigration, qui auraient affirmé selon des témoins vouloir "planter des blancs".
L’extrême droite, comme à l’occasion d’autres faits divers, mobilise sa grille de lecture: celle des meurtres gratuits de Français, que les militants identitaires appellent des "francocides". Des participants à la soirée n’ont pas hésité à parler d’attentat après ce déferlement de violence à l’arme blanche, qui a fait également plusieurs blessés.
Expédition punitive
Depuis plusieurs jours, les franges les plus radicales des mouvances nationalistes crient vengeance. Le week-end dernier, une milice d’ultra-droite a mené une expédition punitive dans le quartier de la Monnaie à Romans-sur-Isère, où sont domiciliés la plupart des neuf suspects interpellés. Ils possédaient une liste de ces suspects avec leur adresse.
Des affrontements ont éclaté avec des jeunes habitants du quartier et la police a dû intervenir. Des défilés de groupuscules néofascistes ont également eu lieu à Lyon et à Rennes, avec des banderoles où l’on pouvait lire par exemple "Islam hors d’Europe, l’immigration tue".
Conscient du caractère explosif de l’affaire, le gouvernement a dépêché lundi son porte-parole à Crépol. Il a dénoncé un "drame qui nous fait courir le risque d’un basculement de notre société". Malgré la fermeté affichée, il a été vivement apostrophé par un habitant en colère.
Un contexte encore flou
Le déroulé exact de la soirée qui a viré au drame demeure encore flou. L’enquête s’avère très complexe avec plus d’une centaine de témoins auditionnés. Le procureur a tenté de mettre en garde contre les spéculations. S’agit-il d’une attaque préméditée, pourquoi les jeunes sont-ils venus à ce bal armés de couteaux?
Les suspects avancent, eux, des explications beaucoup plus banales: ils voulaient s’amuser, rencontrer des filles. Selon le récit d’un des jeunes mis en cause, c’est un motif futile, une moquerie sur la chevelure de l’un d’eux, qui a déclenché la violence.
Alexandre Habay/asch