Dans les faits, la Cour de Karlsruhe a tout simplement interdit au gouvernement d'Olaf Scholz de reconvertir une ligne de crédits de 60 milliards d'euros qui aurait dû servir à lutter contre les conséquences de la pandémie de Covid-19.
Ces 60 milliards n'avaient finalement pas été utilisés en 2021. Le gouvernement avait alors décidé de les injecter dans un fonds spécial pour financer la transition écologique. C'est donc cette sorte de "tour de passe-passe" budgétaire qui a été retoqué par la Cour constitutionnelle. Une décision qui se passe sur la règle du frein à l'endettement (voir encadré).
Un déficit 2023 en hausse de 45 milliards
Le transfert de ces 60 milliards représentait la clef des budgets 2023 et 2024 pour la fragile coalition gouvernementale d'Olaf Scholz. Ils devaient permettre de financer des projets essentiels aux yeux des Verts, membres du gouvernement.
Une subvention pour inciter les Allemands à remplacer leurs chaudières à gaz par des pompes à chaleur ou encore le développement de la Deutsche Bahn, l'entreprise ferroviaire publique allemande, devaient être mis sur pied grâce à ce fonds spécial.
Ces 60 milliards auraient donc permis le développement de ces projets tout en revenant à l'équilibre budgétaire, l'objectif prioritaire des Libéraux, eux aussi membres de la coalition au pouvoir. Le ministre des Finances avait d'ailleurs déjà annoncé le retour à l'orthodoxie budgétaire en 2023. Mais après la décision de la Cour de Karlsruhe, Christian Lindner a fait marche arrière en début de semaine. Au final, le déficit pour cette année devrait augmenter de 45 milliards d'euros.
Possibles conséquences politiques
Ce véritable soufflet infligé par la Cour constitutionnelle pourrait par ailleurs avoir des conséquences en Allemagne. La crise budgétaire a en effet pris des allures de plus en plus politiques.
A droite, le conservateur bavarois Markus Söder a réclamé lundi des élections anticipées. Lors d'un débat au Bundestag mardi, le chef de l'opposition Friedrich Merz s'est montré lui encore plus mordant que d'habitude.
Cette affaire ne va en tout cas pas jouer pour la popularité du gouvernement Scholz, déjà au plus bas dans les sondages. Au total, 60% des Allemands et des Allemandes sont insatisfaits de leur gouvernement. Et seuls 35% voteraient aujourd'hui pour les trois partis de la coalition.
Reportage radio: Nathalie Versieux
Adaptation web: ther
La règle du frein à l'endettement
Inscrite dans la Loi fondamentale allemande depuis 2009, la règle du frein à l'endettement limite les nouveaux emprunts publics à 0,35 % du PIB chaque année.
Elle a été suspendue entre 2020 et 2022, d'abord en raison de la pandémie de coronavirus, puis de la guerre en Ukraine, avant d'être remise en place cette année.
Mais l'Allemagne a des besoins massifs d'investissements, notamment pour atteindre ses objectifs climatiques. La coalition s'est engagée à atteindre 80% d'électricité renouvelable d'ici 2030.