Les réseaux sociaux participent à la fatigue de la société, estime Sibyle Veil, qui a publié un plaidoyer intitulé "Au commencement était l'écoute: pour en finir avec la société du défouloir". La patronne de Radio France explique avoir voulu mettre des mots sur une fatigue de plus en plus ressentie par les citoyens et qui conduit de plus de plus d'entre eux à se détourner de l'information.
"Cela tient à la manière dont l'information leur arrive sur certains réseaux sociaux, comme X. Les carburants de ces plateformes sont l'indignation et la colère. En effet, les algorithmes poussent vers ce qui fait le plus réagir avec des contenus de plus en plus extrêmes", a-t-elle expliqué jeudi dans Tout un monde. Une indignation virtuelle qui se traduit par une fatigue démocratique et un sentiment que la société devient de plus en plus violente et, donc, de plus en plus fracturée.
Paradoxe
Sibyle Veil part également du principe que l'on ne peut pas se comprendre si on ne s'écoute pas. "Dans pas mal d'arènes, c'est celui qui crie le plus fort qui est le plus écouté. On ne débat plus du fond." Elle explique également ne pas pouvoir s'empêcher de faire le parallèle entre la montée de la violence sur les réseaux et la montée de la violence qu'on voit dans la rue.
De ce constat résulte un paradoxe: il n'y a jamais eu autant de canaux de communication et, pourtant, on a le sentiment qu'il est de plus en plus difficile de s'écouter. "On a beau être présent physiquement, avoir à disposition de multiples canaux de communication, il n'y a plus vraiment d'écoute".
Trouble de l'attention
Or, l'écoute et la parole des autres ont un pouvoir insoupçonné. "Le son a des qualités essentielles dans le monde d'aujourd'hui. On observe également que de plus en plus de jeunes ont des difficultés à se concentrer, à écouter les consignes de l'autre jusqu'au bout."
Mais alors comment faire pour réapprendre à s'écouter? "Il faut tout d'abord reprendre la maîtrise de son temps libre, que ce soit pour les adultes, et aussi dans l'exemple que l'on donne à ses enfants", répond-elle. "Ecouter c'est aussi une prise de risque, c'est aussi accepter la contradiction, des idées qui ne sont pas les vôtres. C'est une attitude loin d'être passive, qui relève du courage et de l'ouverture d'esprit."
Propos recueillis par Eric Guevera-Frey
Texte web: Hélène Krähenbühl