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La Cour suprême russe bannit le "mouvement LGBT" pour extrémisme

Oleg Nefedov, a judge of Russia’s Supreme Court, reads out the verdict during a hearing to consider a request by the Ministry of Justice to recognize the LGBTQ movement as extremist in Moscow, Russia, November 30, 2023. REUTERS/Maxim Shemetov [reuters - Maxim Shemetov]
En Russie, la Cour suprême a qualifié le mouvement international LGBT "d’extrémiste" et interdit ses activités / La Matinale / 1 min. / le 1 décembre 2023
La Cour suprême russe a banni jeudi pour "extrémisme" le mouvement "international" LGBT+, ouvrant la voie à des poursuites judiciaires et des peines de prison contre les homosexuels et militants défendant leurs droits en Russie.

Cette décision intervient en plein virage ultraconservateur qui cible les personnes LGBT+, la Russie se posant désormais en porte-drapeau des valeurs "traditionnelles" face à la "décadence" de l'Occident.

Cette politique s'est accélérée depuis l'attaque de l'armée russe contre l'Ukraine, fin février 2022, et qui entraîné une répression visant toutes les formes de critiques à l'égard du Kremlin.

Le juge Oleg Nefedov a ordonné de "reconnaître comme extrémistes le mouvement international LGBT et ses filiales, d'interdire leurs activités sur le territoire de la Fédération russe". Il a précisé que cette interdiction entrait "immédiatement" en vigueur.

Une audience sans défenseur

L'audience, la première dans cette affaire, a duré seulement quelques heures et s'est déroulée sans défenseur - aucune organisation portant ce nom n'existant en Russie - et à huis-clos, car l'affaire était classée "secrète".

"Seul un représentant du ministère russe de la Justice participe à l'audience, personne ne s'est manifesté du côté de la défense", avait indiqué plus tôt dans la journée la Cour suprême à l'agence de presse d'Etat Ria Novosti.

Mi-novembre, le ministère russe de la Justice avait demandé à qualifier "d'organisation extrémiste" et à interdire "le mouvement international LGBT", sans dire clairement quelle organisation il visait et ouvrant donc la voie à une interdiction de tout mouvement défendant ces causes.

De lourdes peines de prison possibles

Toute activité publique associée à ce que la Russie considère comme des préférences sexuelles "non-traditionnelles" pourrait désormais être sanctionnée pour "extrémisme", un crime passible de lourdes peines de prison.

"Il n'y a pas de limite au cannibalisme. C'est arrivé. Un jour, tout cela prendra fin, mais pour l'instant il nous faut continuer à vivre et essayer de nous préserver", a réagi sur Telegram l'association russe "Résistance féministe à la guerre" qui soutient les droits des personnes LGBT+.

"En pratique, les autorités pourraient commencer à ouvrir des affaires pénales contre des personnalités publiques et des militantes et militants pour instaurer un climat de peur", a estimé Maxime Olenitchev, un juriste de l'ONG Pervy Otdel, qui vient en aide aux victimes de répressions en Russie.

Un nouveau "pic de folie"

Jusqu'à présent, les personnes LGBT+ risquaient de fortes amendes si elles étaient accusées de faire de la "propagande", le terme employé par les autorités, mais pas d'emprisonnement.

La dernière décennie a vu leurs droits drastiquement limités sous l'impulsion de Vladimir Poutine, qui, avec l'Eglise orthodoxe, assure vouloir éliminer de la sphère publique des comportements jugés déviants et importés d'Occident.

Ian Dvorkine, fondateur en Russie de l'ONG Centre T, qui aide les personnes transgenres, a ainsi fui le pays, par crainte d'être accusé "d'extrémisme" et d'être jeté en prison pour avoir créé cette association.

Pour lui, ce procès visant un "mouvement" n'existant pas officiellement en Russie est "un nouveau pic de folie". "Tout le monde pourrait tomber sous cette accusation d'extrémisme", s'indigne-t-il, précisant que "de plus en plus de personnes" demandent de l'aide pour quitter le pays.

>> Revoir le reportage du 19h30 sur les personnes LGBT forcées de s'exiler :

Russie: Des personnes LGBT s'exilent
Russie: Des personnes LGBT s'exilent / 19h30 / 2 min. / le 17 juin 2023

Une croisade anti-LGBT de plus de dix ans

Depuis 2013, une loi interdit la "propagande" de "relations sexuelles non-traditionnelles" à l'adresse des mineurs, un texte dénoncé par des ONG comme un instrument de répression homophobe.

Cette loi a été considérablement élargie fin 2022. Elle bannit désormais la "propagande" LGBT+ auprès de tous les publics, dans les médias, sur Internet, dans les livres et les films.

En juillet, les députés russes ont aussi adopté une loi visant les personnes transgenres, leur interdisant leurs transitions, notamment les opérations chirurgicales et les thérapies hormonales.

Vladimir Poutine se lance aussi régulièrement dans des diatribes anti-occidentales au coeur desquels il place bien souvent la tolérance à l'égard des personnes LGBT+.

>> Réécouter le reportage de La Matinale en 2019 :

Des hommes russes tiennent un drapeau arc-en-ciel pendant un manifestation LGBT+ (Moscou, mai 2015). [Keystone/epa - Sergei Ilnitsky]Keystone/epa - Sergei Ilnitsky
Violences contre les personnes LGBT et les minorités religieuses en hausse en Russie / La Matinale / 1 min. / le 6 mars 2019

afp/ther

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L'ONU "déplore" l'interdiction

L'ONU a "déploré" cette interdiction, soulignant que "personne ne devrait être emprisonné pour avoir oeuvré en faveur des droits humains ou privé de ses droits en raison de son orientation sexuelle ou de son identité de genre".

La décision prise par la Cour suprême russe de bannir ce mouvement "expose les défenseurs des droits humains et toute personne défendant les droits des personnes LGBT+ à être qualifiés d'extrémistes, un terme qui a de graves conséquences sociales et pénales en Russie", a souligné le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Volker Türk dans un communiqué.