Après l'échec de la contre-offensive ukrainienne, qui n'a jamais réussi à percer les lignes de défense russes dans le sud du pays, c'est Moscou qui tente maintenant depuis plusieurs semaines de repartir de l'avant, particulièrement sur le front est.
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Sept mois après la prise de Bakhmout, ce sont les villes d'Avdiivka (sud-est) et de Koupiansk (nord-est) qui sont dans la ligne de mire du Kremlin. Mais la résistance ukrainienne tient bon et inflige de lourdes pertes à l'armée russe, notamment à Avdiivka.
Récemment, le président ukrainien s'est d'ailleurs rendu sur le front est pour exprimer son soutien aux troupes. "Je vous demande de gagner, d'être forts, de ne pas perdre votre initiative, de vous emparer de la région de Kharkiv, de Koupiansk, de chaque village, de chaque mètre carré de notre terre", a-t-il lancé.
Mais la reprise de l'initiative par les forces russes est toutefois loin d'être une évidence et aucune percée n'est visible. Au cours du mois de novembre, Moscou s'est emparé de 4 km2 du territoire ukrainien: la variation mensuelle de prise de territoire entre les deux belligérants la plus faible depuis l'invasion de février 2022. Le froid, la neige et la boue rendent le terrain impraticable, paralysant un peu plus encore les forces terrestres des deux côtés.
Au total, la Russie continue à détenir environ 17,5% du territoire ukrainien.
Une guerre dans les airs
Mais l'affrontement ne se déroule pas uniquement sur le front. Les villes ukrainiennes sont à nouveau la proie de nombreux bombardements et d'attaques de drones russes.
En 2022 déjà, Moscou n'avait pas hésité à pilonner en plein hiver le réseau électrique ukrainien et de nombreuses infrastructures essentielles. Une méthode censée décourager la population ukrainienne.
"L'hiver dans son ensemble est une nouvelle phase de la guerre. Elle se déroule non seulement sur la ligne de front mais aussi à l'intérieur des villes, en raison du grand nombre de drones et de missiles, y compris balistiques, utilisés par l'ennemi. Voilà pourquoi c'est une guerre difficile", a résumé Volodymyr Zelensky.
La Russie pourrait d'ailleurs avoir fait des réserves en prévision de cette stratégie, comme le rappelait déjà en novembre Dara Massicot, chercheuse au Carnegie Russia Eurasia: "Les Russes n'ont pas envoyé de missiles à la même cadence au cours des derniers mois alors qu'ils les produisent. Mon inquiétude est donc qu'ils lancent cet hiver, de manière massive, des centaines de missiles sur les villes, pour rendre à nouveau la vie impossible", résumait-elle.
Des craintes pour les munitions
Si les avancées territoriales semblent pour l'instant condamnées à l'échec d'un côté comme de l'autre, la guerre d'attrition continue et demande d'énormes ressources militaires, notamment en munitions.
Sur ce plan-là, Kiev reste très dépendant des livraisons d'armement occidentales. Or, ces dernières ont pris du retard. En mars 2022, les 27 États membres de l’Union européenne s’étaient engagés à livrer un million d’obus d’artillerie à Kiev d’ici à la fin de mars 2024. Un objectif qui ne sera probablement pas atteint, peut-on désormais entendre du côté de Bruxelles.
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L'aide militaire des Etats-Unis, premiers contributeurs de l'Ukraine, est par ailleurs également questionnée outre-Atlantique. Lundi, Washington a sonné le tocsin contre ce risque. "Nous sommes à court d'argent et bientôt à court de temps", a écrit la directrice du Budget de la Maison Blanche Shalanda Young dans un courrier adressé à Mike Johnson, patron de la Chambre des représentants, à majorité républicaine.
"Je veux être claire: si le Congrès n'agit pas d'ici la fin de l'année, nous serons à court de ressources pour livrer plus d'armes et d'équipement à l'Ukraine et pour fournir du matériel venant des stocks militaires américains", a-t-elle ajouté.
Côté russe, la situation concernant les munitions n'est pas aussi fragile. Moscou bénéficie du soutien matériel de la Corée du Nord et de l'Iran mais a surtout réussi à booster ses capacités de production propres. Le pays devrait être capable de produire entre 1,5 et 2 millions d'obus par an, alors que sa production de missiles a déjà triplé depuis 2022.
C'est plutôt de bras dont manque la Russie actuellement. Mais Vladimir Poutine ne semble pas prêt pour l'instant à relancer une mobilisation. Pour les experts, une telle décision est improbable avant sa réélection, attendue pour le mois de mars 2024. Le maître du Kremlin a toutefois ordonné la semaine dernière une augmentation du nombre de soldats de 15%. Une augmentation des effectifs qui devrait se faire "par étapes", sur la base d'engagements volontaires, a précisé le ministère russe de la Défense.
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Reportage TV: Estelle Braconnier
Version web: Tristan Hertig