Volker Türk: "Le narratif utilisé dans le conflit au Proche-Orient est violent et déshumanisant"
Septante-cinq ans après l'adoption de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, les droits humains n'ont jamais été aussi bafoués dans le monde. Comme le rappelle Volker Türk, il y a à ce jour 55 conflits dans le monde, "soit le chiffre le plus important depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale".
"Nous vivons un moment triste et sombre, mais il faut aussi se rappeler que les droits humains ont toujours été une force de transformation pour les sociétés", tient toutefois à souligner le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme.
Juridiction internationale
L'Autrichien tient également à rappeler qu'il existe un cadre contraignant en cas de violation des droits humains pour les Etats membres qui ont ratifié le statut de Rome. Il y a notamment la Cour pénale internationale (CPI), chargée de juger les personnes accusées des crimes les plus graves, et la compétence universelle. Cette dernière permet à un État de poursuivre les auteurs de certains crimes, quel que soit le lieu où le crime a été commis.
Le procureur en chef de la CPI a d'ailleurs promis dimanche que la Cour intensifierait ses efforts pour enquêter sur d’éventuels crimes de guerre dans le conflit qui oppose depuis bientôt deux mois Israël et le Hamas.
Situation "apocalyptique" à Gaza
Pour le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'Homme, la situation humanitaire à Gaza est "absolument précaire". "Il n'est plus possible de fournir un travail humanitaire normal", se désole-t-il. "La situation est apocalyptique. Le monde doit se réveiller face aux atrocités".
Le fonctionnaire des Nations unies se dit également "très préoccupé" par le langage et le narratif utilisé dans le cadre du conflit par les deux parties. Un langage qu'il juge "violent" et "déshumanisant".
Volker Türk tient également à rappeler qu'il a fermement condamné l'attaque terroriste du 7 octobre. "J'ai été très clair dès le début, aussi en ce qui concerne le tir indiscriminé de projectiles contre Israël et la prise d'otages du Hamas. Mais il est aussi important d'être clair concernant la nécessité absolue de respecter le droit international humanitaire". Israël a le droit de protéger sa population, mais doit aussi respecter le principe de distinction et de proportionnalité".
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Autres conflits parfois oubliés
Interrogé également sur les autres conflits, parfois oubliés car moins médiatisés, Volker Türk soutient qu'il faut "mettre en lumière toutes les violations des droits humains". "Les droits humains doivent être davantage pris au sérieux au niveau politique et international (...) Ils ne sont pas un modèle occidental, ils sont universels", plaide-t-il.
Il cite notamment l'exemple de la Chine, qui a contribué à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et s'est engagée à en respecter les principes. "Bien que la mise en œuvre puisse poser problème, c'est déjà une avancée".
S'il reste encore beaucoup à faire en matière de respect des droits humains, le fonctionnaire onusien observe certains succès. "On a pu faire libérer des gens, changer des législations qui n'étaient pas en conformité avec les droits humains. On observe aussi l'enthousiasme des jeunes dans ce domaine, ce qui est très inspirant", se réjouit-il.
Propos recueillis par Philippe Revaz
Texte web: Hélène Krähenbühl