Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, la Déclaration universelle des droits de l'Homme était l'une des premières grandes réalisations de la toute nouvelle Organisation des Nations unies. C'était aussi la première fois qu'un caractère universel était accordé aux besoins de liberté, d'égalité et de justice.
Réunie au Palais de Chaillot, la salle avait longuement applaudi, debout, ce texte né de l'aspiration à un monde meilleur, après les atrocités de la guerre, d'Auschwitz à Hiroshima.
La Déclaration, sans valeur contraignante, affirme la primauté des droits et libertés des individus sur les droits des Etats, en gravant les droits économiques, sociaux et culturels au même rang que les libertés civiles et politiques. Les droits de l'Homme ne doivent plus être une question d'ordre intérieur, comme Hitler l'avait revendiqué pour empêcher toute ingérence étrangère, mais une question "universelle".
Le président de la Confédération Alain Berset a estimé sur X que cet anniversaire sonne comme un "avertissement" au vu des crises actuelles. "Le temps n'est malheureusement pas à la célébration: le conflit en Ukraine marque le retour de la guerre sur le continent européen, le Proche-Orient est confronté à une augmentation dramatique de la violence et des civils sont massacrés, le racisme et l'antisémitisme progressent, la démocratie perd du terrain et avec elle la défense des droits humains."
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Des personnalités de divers pays à la rédaction
Présidé par l'influente Eleanor Roosevelt, veuve du président américain Franklin Roosevelt, mort en 1945, un comité de rédaction comprenant des personnalités de divers pays, a été mis sur pied en 1947, après des mois de préparation.
Le Canadien John Peters Humphrey et le Français René Cassin en furent les principaux animateurs. Les Etats membres de l'ONU ont ensuite apporté amendements et propositions à la charte proposée.
"Premier manifeste que l'humanité organisée ait jamais adopté", selon le juriste René Cassin, elle s'inspire dans ses principes de la Déclaration d'indépendance américaine de 1776 et de la Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Plusieurs femmes ont pesé dans sa rédaction. On doit notamment à Hansa Mehta, une fervente militante des droits des femmes en Inde et à l'étranger, la reformulation de l'article premier de la Déclaration "tous les hommes naissent libres et égaux" en "tous les êtres humains naissent libres et égaux".
Dans un monde divisé
La Déclaration est adoptée par consensus, par 48 des 58 membres, 2 étant absents (le Yémen et le Honduras) et 8 s'étant abstenus (la Biélorussie, l'Ukraine, l'URSS, la Tchécoslovaquie, la Pologne, la Yougoslavie ainsi que l'Arabie saoudite, qui conteste l'égalité homme-femme, et l'Afrique du Sud de l'apartheid).
A une époque où le monde était divisé entre le bloc de l'Est et celui de l'Occident, trouver un terrain d'entente fut une tâche colossale, les communistes dénonçant un excès de droits individuels et politiques au détriment des droits sociaux.
Les démocraties occidentales, de leur côté, résistaient à l'idée de traduire la déclaration en instrument juridique contraignant, redoutant qu'il ne fût utilisé contre elles par les pays colonisés. La Déclaration fut d'ailleurs citée par un certain nombre de peuples colonisés pour exiger leur autonomie.
La base de nombreuses conventions
Malgré les arrière-pensées qui ont présidé à sa création, la DUDH a inspiré tous les traités internationaux de l'après-guerre et est généralement reconnue comme le fondement du droit international relatif aux droits de l'Homme.
Les conventions internationales de 1979 contre la discrimination envers les femmes, de 1984 contre la torture, de 1990 sur les droits de l'enfant, la création de la Cour Pénale internationale (CPI) en 1998 découlent directement de la DUDH. Elle a également inspiré "le droit d'ingérence" et d'assistance humanitaire.
Mais, si elle a permis certaines avancées vers "l'idéal commun à atteindre", elle n'a empêché nulle part des violations des droits reconnus fondamentaux.
Et elle n'échappe pas à la critique : l'universalisme dont elle se prévaut a été qualifié par certains pays de diktat occidental. Des résistances idéologiques, culturelles, religieuses se sont souvent manifestées dans les pays souverainistes, comme en Chine, en Russie ou dans les pays musulmans où s'applique la charia.
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boi avec afp