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Les Etats-Unis et la Chine ont besoin "d'une pause dans l'escalade des tensions"

Géopolitis : Un monde fracturé - rétrospective 2023 [AP / XINHUA / EPA - Jack Dempsey / JU PENG / Olivier Hoslet]
Un monde fracturé / Geopolitis / 26 min. / le 17 décembre 2023
La Chine sort fragilisée de trois années de politique zéro Covid. Les conflits en Ukraine et au Proche-Orient embrasent la politique américaine à un an de la présidentielle. Géopolitis revient sur les événements de l’année 2023 et esquisse les défis pour 2024.

Après trois ans de politique zéro Covid, l’économie chinoise peine à se relever. Les exportations - l’un des moteurs principaux de la croissance - se sont effondrées, malgré un rebond inattendu en novembre: la demande internationale a baissé et la consommation domestique n’a pas vraiment repris. Le chômage a augmenté, particulièrement pour les jeunes de 16 à 24 ans, à tel point que la publication des chiffres détaillés a été suspendue.

S’ajoute à cela une crise de l’immobilier qui représente un quart du PIB. Le secteur a connu durant deux décennies une croissance fulgurante, mais les déboires financiers de groupes emblématiques comme Evergrande ou Country Garden nourrissent la méfiance des acheteurs, sur fond de logements inachevés et de chutes des prix. "A l’aube de son troisième mandat, Xi Jinping devrait être au faîte de sa puissance. Il est beaucoup plus faible que ce qu’il ne devrait être", estime Michael Peuker, correspondant de la RTS à Shanghai, dans Géopolitis.

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Les États-Unis et la Chine ont récemment relancé leur dialogue, avec une succession de visites de hauts responsables américains à Pékin et une rencontre entre Xi Jinping et Joe Biden à San Francisco en marge du sommet des pays de la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique.

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Michael Peuker qualifie la situation entre les deux pays de "pause dans l’escalade des tensions". Selon lui, "les deux superpuissances avaient besoin de cette trêve stratégique. Les États-Unis sont sur plusieurs fronts en Ukraine et au Moyen-Orient, à la veille d'une année présidentielle qui s'annonce compliquée pour Joe Biden. Et la Chine, avec son économie qui bat de l'aile, doit rassurer les investisseurs étrangers. Cela passe par cette image de stabilisation sur le plan géopolitique."

Cette reprise du dialogue sera soumise à l’épreuve du temps, notamment avec l'élection présidentielle taïwanaise qui se tiendra en janvier 2024. Elle sera observée de près à Pékin comme à Washington: le statut de l'île, dont la Chine revendique la souveraineté, reste un sujet de friction central entre les deux Etats qui se livrent une concurrence économique, technologique, stratégique et militaire féroce.

2024, année présidentielle aux Etats-Unis

Aux Etats-Unis, selon de récents sondages, si le scrutin présidentiel avait lieu aujourd’hui, Donald Trump, pourtant frappé de nombreux chefs d’inculpation devant plusieurs juridictions, serait élu. "Il y a encore une année de campagne, (…) il peut se passer encore énormément de choses", tempère Gaspard Kühn. Des candidatures tierces à l'élection émergent et pourraient jouer les troubles fêtes, comme celle de Robert Kennedy Jr., neveu du 35e président américain John Fitzgerald Kennedy. "Même si elles ont très peu de chances de remporter la présidentielle, certaines candidatures peuvent vraiment changer la dynamique de cette campagne en déstabilisant les deux candidats principaux", détaille le correspondant de la RTS à Washington qui souligne que "ces sondages sont d'abord un reflet de la faiblesse de Joe Biden".

Un Joe Biden fortement critiqué pour son soutien inconditionnel à Israël, même s'il a depuis quelques semaines invité l'Etat hébreu à épargner les civils à Gaza. Le 46e président des Etats-Unis avait œuvré au rapprochement entre Israël et l'Arabie saoudite, désormais au point mort depuis le début du conflit entre le Hamas et Israël. "Le problème c'est qu'ils ont totalement mis de côté la question palestinienne, et franchement cette administration Biden ne se préoccupait pas beaucoup de ce qui se passait au Moyen-Orient jusqu'à présent", précise Gaspard Kühn. Une situation qui a radicalement changé depuis les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier.

Ukraine, l’essoufflement

Le Congrès américain vient de s’opposer à une demande de rallonge budgétaire formulée par Joe Biden: 106 milliards de dollars d'aide supplémentaire destinée à la fois à l'Ukraine et à Israël.

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En Europe non plus le soutien ne va plus forcément de soi. "Ce que l'on voit, c'est une espèce de fatigue des opinions publiques", constate Isabelle Ory depuis Bruxelles. "Mais aujourd'hui, le soutien à l’Ukraine est quand même toujours affiché", précise la correspondante.

La question de l’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne est un vaste sujet qui va occuper les Européens ces prochaines années. Surtout que huit autres pays (la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie, l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo ainsi que la Moldavie et la Géorgie) sont également candidats. "Il faut vraiment distinguer le signal politique aujourd'hui qui consiste à dire à ces pays: on est là, on est avec vous face aux intérêts russes, chinois, turcs. L'idée est donc de les garder dans le champ d'action de l'Union européenne, mais il n’est évidemment pas question de les faire rentrer tout de suite", précise Isabelle Ory.

Natalie Bougeard

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